« Un coup dans le dos » : l’annonce du partenariat Aukus entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, le 15 septembre 2021, avait suscité une brouille inédite entre la France et ses trois alliés anglo-saxons, alors accusés de « duplicité », voire de « trahison ». L’accord, négocié dans le plus grand secret, sans avertir Paris, avait entraîné la rupture d’un spectaculaire contrat de livraison de douze sous-marins conventionnels français, au profit de submersibles à propulsion nucléaire. Et fragilisé l’engagement de la France dans la vaste région Indo-Pacifique.
Dix-huit mois plus tard, les dirigeants américains, britanniques et australiens ont pris soin d’avertir leurs interlocuteurs français, ces dernières semaines, sans leur révéler les détails du partenariat dévoilé, lundi 13 mars, par Joe Biden et les premiers ministres britannique, Rishi Sunak, et australien, Anthony Albanese. « De l’eau a coulé sous les ponts », reconnaît une source diplomatique française, tandis que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a contraint les alliés occidentaux à serrer les rangs.
Au fond, les responsables français continuent de regretter le choix australien, considérant que feu le contrat signé par Naval Group aurait, entre autres, permis, en raison d’un large effort de sous-traitance locale, de développer la « souveraineté » de leur partenaire australien, désormais tributaire du savoir-faire nucléaire américain. A Paris, on s’inquiète discrètement du risque de prolifération.
Ne pas s’enfermer dans une logique de blocs
Et l’on reste prudent face à une alliance avant tout destinée à endiguer militairement la Chine. Emmanuel Macron, qui doit se rendre à Pékin les 6 et 7 avril rencontrer le président Xi Jinping, est soucieux de ne pas s’enfermer dans une logique de blocs, alors que les tensions entre la Chine et les Etats-Unis ne cessent de gagner en intensité au fil des mois.
Cependant, Emmanuel Macron n’a pas attendu la guerre en Ukraine pour surmonter sa colère à l’égard des Etats-Unis. Un premier pas avait été fait lors d’un tête-à-tête avec Joe Biden à Rome, en marge d’un sommet du G20, fin octobre 2021, pendant lequel le président américain avait d’ailleurs commencé à sensibiliser ses alliés européens au sujet des projets d’invasion russe. La réconciliation a été amorcée plus tardivement avec l’Australie, à l’occasion de l’arrivée au pouvoir, en mai 2022, du nouveau gouvernement travailliste, tombeur du cabinet conservateur dirigé par Scott Morrison, l’homme de la rupture sans préavis du contrat français, traité jusqu’à sa défaite de « menteur » à Paris.
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