De petites choses, de simples gestes ou seulement des non-dits qui hantent les couloirs comme des spectres : depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre, quelque chose a changé à l’hôpital Rambam de Haïfa. En temps ordinaire, l’établissement, où travaillent des Juifs et des Arabes – musulmans, chrétiens et druzes – jouit pourtant d’un climat pacifié, au cœur de l’une des villes les plus mixtes d’Israël.
Dans ce pays hérissé de barrières politiques, sociales, religieuses et géographiques, l’hôpital public représente, habituellement, une sorte d’oasis, où les communautés vivent et travaillent en bonne intelligence. Mais, après le 7 octobre et l’attaque du Hamas dans le sud d’Israël, puis la réponse militaire d’Israël à Gaza et en Cisjordanie, de fines lézardes sont apparues. Bien que la plupart des soignants continuent de travailler sans heurts et fassent leur possible pour maintenir la cohésion des équipes, un malaise sourd traverse les services.
La première chose qui frappe, en arrivant à l’hôpital Rambam, le quatrième plus important du pays, ce sont les drapeaux israéliens : des petits, des grands, de simples fanions ou de vrais étendards, installés en façade, à l’entrée, mais aussi dans tous les services. L’établissement n’est pas une exception en Israël, où ces bannières ont fleuri partout depuis les massacres commis par le Hamas. Officiellement, le drapeau bleu et blanc est celui de l’ensemble de la population, Juifs et Arabes israéliens réunis, ces derniers représentant environ 20 % de la population. Mais les Palestiniens d’Israël, comme ils s’identifient eux-mêmes, ne peuvent se reconnaître aussi facilement que les Juifs dans cet emblème orné de l’étoile de David. Pourtant, à Rambam, comme dans d’autres espaces publics, le personnel arabe travaille désormais à l’ombre de ce symbole pas tout à fait neutre.
Pour éviter une possible aggravation des fissures, le récit officiel semble avoir été soigneusement cimenté. Certes, la situation n’est pas facile, admettent les responsables de l’établissement, mais elle est sous contrôle. Il faut dire que l’équilibre entre les communautés n’a pas de prix dans cette institution où, selon Avi Weissman, directeur adjoint de l’établissement, les Arabes représentent un bon tiers des soignants. Soit à peu près les pourcentages relevés dans l’ensemble du secteur hospitalier public : 25 % des médecins, 30 % des infirmiers et 60 % des pharmaciens étaient des Arabes israéliens en 2021, d’après les chiffres communiqués par le docteur Bishara Bisharat, président de l’Arab Population Health Society en Israël. Autant dire que le pays ne peut se passer de ces diplômés, qui ont parfois choisi cette voie faute de pouvoir embrasser d’autres professions, dans la tech par exemple, trop liées à l’armée pour leur être accessibles (les Arabes israéliens sont dispensés de service militaire obligatoire).
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