Hors-série. Gaza, Ukraine, Haut-Karabakh, Sahel. Quatre guerres, quatre illustrations d’un ordre mondial fragmenté et déboussolé, dont l’enchevêtrement et la violence inquiètent l’humanité et menacent la paix, surtout au Proche-Orient, où le risque d’embrasement est important. Héritiers d’un XXe siècle connu pour ses multiples tragédies et injustices, ces conflits resurgissent à l’heure où le monde sort péniblement de la pandémie de Covid-19 et où surviennent des interrogations sur les convulsions d’une mondialisation pourtant irréversible.
La combinaison entre le regain des guerres interétatiques, la persistance de conflits irréguliers et les crises non létales qui couvrent la planète complexifie la marche du monde et affecte le système international dans ses fondements. Parce que cette crise systémique reste difficile à lire, le hors-série du Monde « 40 cartes pour comprendre un monde fracturé » (116 pages, 11,90 euros) propose d’en faciliter la compréhension autour de cartographies révélatrices d’un monde en mutation.
L’architecture de la paix mise en place au XXe siècle est-elle en cours d’effondrement, avec un Occident touché dans ses acquis de puissance et un Sud global hétérogène, mais prêt à redéfinir les règles du multilatéralisme en tenant compte davantage de l’affirmation d’un temps extra-occidental ? Si l’Occident n’est plus le scribe de l’histoire, le reste du monde n’est pas en mesure d’en écrire la suite. La partie reste ouverte mais serrée, car la guerre en Ukraine est devenue la nouvelle matrice de l’équilibre. Si le feu se limite, pour l’instant, à l’espace ukrainien et à ses environs, la conflictualité russo-ukrainienne ou russo-occidentale, ou, par extension, sino-américaine, s’élargit bien au-delà, sur fond de tensions globales meurtrières.
Inégalités croissantes
De ce fait, au premier quart du XXIe siècle, ce monde en transition n’est pas qu’un vaste chantier de déchirures internationales ; il est aussi propice à des conflits intersociaux où les concurrences de puissances se doublent de rivalités entre les exigences du libéralisme et la défense des acquis sociaux. Celles-ci sont sources d’inégalités croissantes et de solidarités entre les peuples d’une culture à l’autre, d’un continent à l’autre, contre toute logique mercantile, toujours plus brutale et dérégulatrice de l’écosystème et des Etats-nations.
Ces bouleversements s’élargissent également aux sphères écologiques et politiques. Le dérèglement climatique et ses catastrophes à répétition s’accompagnent d’un dérèglement politique où les démocraties, essoufflées et incapables de se régénérer, font – sans le savoir – le lit des mouvements d’extrême droite et alimentent la confrontation avec les régimes autocratiques, qui, eux, aspirent à réinventer le monde.
En refermant cet atlas d’un monde fissuré, lectrices et lecteurs pourraient alors être tentés de s’interroger : l’humanité aura-t-elle les ressources nécessaires pour surmonter cette juxtaposition de crises ? Aux gouvernants et aux gouvernés de se poser la question, car le risque de basculer d’un monde fracturé vers un monde explosif n’est plus à exclure.
« 40 cartes pour comprendre un monde fracturé », un hors-série du « Monde », 116 pages, 11,90 euros.