Dans un message interne à ses salariés, le patron d’OpenAI, Sam Altman, a lancé au début de la semaine une alerte rouge. Il appelle ses équipes à recentrer leurs travaux sur leur produit phare : ChatGPT, l’assistant d’intelligence artificielle générative.
La raison de ce vent de panique : les récents résultats de l’assistant Gemini de Google, qui bouleversent le domaine. Ainsi, mi-novembre, la filiale d’Alphabet a revendiqué plus de 650 millions d’utilisateurs mensuels pour son chatbot Gemini: une multiplication par deux en tout juste sept mois.
Le Financial Times, via l’analyste de données Sensor Tower relève que Gemini rattrape ChatGPT en nouveaux téléchargements mensuels. Une courbe ascendante avec un chiffre particulièrement significatif: les utilisateurs passent plus de temps sur Gemini (qui s’intègre nativement dans Gmail, Docs, Drive et Google Search) que ChatGPT ou Claude, l’assistant conversationnel développé par Anthropic.
« J’utilise ChatGPT au quotidien depuis trois ans. Je viens de passer deux heures sur Gemini 3. Je ne reviendrai pas en arrière. Le bond en avant est insensé – raisonnement, vitesse, images, vidéo… tout est plus net et plus rapide. J’ai l’impression que le monde vient de changer, encore une fois », résume ainsi sur X Marc Benioff, PDG de Salesforce.
Une concurrence qui se renforce
La concurrence en IA ne se limite pourtant pas au seul duel Google – OpenAI. Anthropic, avec Claude, est souvent préféré pour des usages professionnels sensibles. L’Européen Mistral AI séduit par ses modèles open source. Perplexity mise sur la recherche augmentée avec citations des sources, dans un effort de transparence… Le secteur semble en cette fin d’année en ébullition.
Avec toutefois une douche froide du côté d’Apple qui, selon Bloomberg, devrait bientôt intégrer à Siri un modèle d’IA conçu par… Google. La conséquence managériale fut, elle, sans appel: cette semaine, John Giannandrea, qui pilotait la stratégie IA d’Apple, a quitté le navire. Amar Subramanya, qui avait rejoint Microsoft cet été et passé seize ans chez Google, le remplacera. Un cruel aveu d’échec de la marque à la pomme qui interpelle les experts.
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La crainte d’une bulle
Cette débauche de moyens, marque d’un optimisme certain, tranche avec la fébrilité palpable du côté des marchés financiers. Michael Burry, célèbre pour avoir prédit la crise des subprimes (inspirant le film The Big Short), a misé plus d’un milliard de dollars à la baisse sur des leaders de l’IA comme Nvidia et Palantir.
De leur côté, le japonais SoftBank et le milliardaire Peter Thiel, cofondateur de PayPal et, justement, de Palantir, ont annoncé mi-novembre s’être défaits de toutes leurs actions du fabricant américain de puces Nvidia.
Ces paris à la baisse sont interprétés par certains analystes comme l’éclatement prochain d’une « bulle IA ». Au mieux, pour les autres, ils préfigurent une période compliquée en Bourse pour des géants trop sûrs d’eux-mêmes.
Derniers signes d’un possible chaos à venir, Yann LeCun, figure majeure de l’intelligence artificielle, a annoncé quitter Meta à la fin de l’année pour lancer sa propre start-up. Son projet ? Les « modèles monde » : une nouvelle génération d’IA capables d’apprendre la réalité du monde physique à partir d’images et vidéos, pas uniquement de textes.
Le chercheur français a toujours été critique des grands modèles de langage actuels – les LLM – qu’il juge limités pour raisonner ou planifier efficacement. Il mise sur des architectures d’IA plus avancées et « neurologiquement plausibles ». Yann LeCun déplore également l’état actuel des IA commerciales, dont Gemini et ChatGPT font partie : « Les acteurs américains ont pris un mauvais chemin. Si l’IA progresse aujourd’hui, c’est grâce à l’open source. Et les meilleurs modèles open source à l’heure actuelle sont chinois », a-t-il expliqué à Paris à la Station F cette semaine.
Une manière bien à lui de mentionner DeepSeek, toujours dans le top 3 des IA les plus utilisées, sans véritablement nommer l’entreprise chinoise qui reste en embuscade après son coup d’éclat du début d’année.
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