vendredi, mai 17
Un boîte d’Ivermectine, médicament fabriqué par le laboratoire Biogaran, à  Paris, le 28 avril 2020.

La pandémie de Covid-19 avait révélé l’une des grandes fragilités du système sanitaire, connue et dénoncée depuis des années par l’Académie nationale de pharmacie : la dépendance de la France à ses fournisseurs de Chine et d’Inde, qui produisent plus de 80 % des principes actifs, ces propriétés thérapeutiques parfois à la base de médicaments vitaux, comme en oncologie.

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L’inquiétude revient, sur le front des génériques, avec la mise en vente discrète de Biogaran par sa maison mère, Servier. Outre des fonds européens, deux entreprises indiennes s’y intéressent, selon L’Informé et Les Echos : Aurobindo Pharma et Torrent Pharmaceuticals. Avec les risques associés de délocalisation vers leur pays d’origine, devenu « la pharmacie du monde ».

Si Biogaran (240 salariés) n’a pas d’usines, il fait travailler 8 600 personnes chez des sous-traitants, qui fabriquent un tiers des médicaments français sous sa marque. C’est dire l’importance, sanitaire et sociale, de ce laboratoire dans un contexte de réindustrialisation et de pénuries sur certains produits. « Revue stratégique pour maximiser le potentiel de toutes nos activités », plaide Servier, qui assure n’avoir encore « rien décidé ». Une revue qui consiste, pour les grands laboratoires, à délaisser les produits au brevet tombé dans le domaine public et peu rémunérateurs pour privilégier les molécules innovantes vendues à prix d’or.

Possible perte d’emplois

L’affaire n’a pas tardé à agiter les responsables politiques. De Xavier Bertrand, président (Les Républicains) de la région Hauts-de-France, à Valérie Rabault, députée socialiste de Tarn-et-Garonne, elle s’émeut d’une possible perte d’emplois et de souveraineté sanitaire. L’inquiétude est remontée jusqu’au gouvernement. Roland Lescure, ministre délégué à l’industrie, a prévenu, jeudi 18 avril, que l’Etat pouvait toujours « activer la procédure dite “IEF” ». Elle lui permet de « contrôler » les investissements étrangers en France dans des secteurs jugés stratégiques et, au besoin, d’y mettre son veto.

« Produire en France les médicaments essentiels à nos vies : voilà notre objectif », affirmait Emmanuel Macron, en juin 2023, en présentant sa stratégie de relance de la souveraineté sanitaire. Une partie des produits de Biogaran sont bien « essentiels ».

Restent un débat sur le prix trop bas des génériques selon l’industrie – ce qu’admettent les autorités – et une question, soulevée par les critiques les plus virulents de Servier : après sa condamnation en appel fin 2023 dans l’affaire du Mediator, qui a fait plonger son résultat, le laboratoire ne cherche-t-il pas du cash pour payer les 9,2 millions d’euros d’amende, et surtout 415 millions de remboursements à l’Assurance-maladie et aux mutuelles à la suite du scandale ?

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