lundi, décembre 22

  • Le gouvernement va faire appel de la décision de la justice de lever les sanctions contre Shein, après la découverte de poupées pédopornographiques disponibles à la vente.
  • Pourtant, il n’y a aucune garantie de contrôle de ces énormes sites commerciaux.
  • L’enquête du 20H de TF1 montre que ces objets illégaux sont encore faciles à trouver sur d’autres plateformes, qui sont donc hors la loi.

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Shein, l’enseigne chinoise controversée du e-commerce

En quelques clics, en accès libre, sans demander l’âge de l’internaute, certaines plateformes mais aussi des sites internet dédiés continuent de vendre des objets à caractère pédopornographique, totalement illégaux en France. Certaines poupées sont même en solde, avec des avis laissés depuis des années par des internautes et des commentaires glaçants. « Cette poupée ressemble à une vraie fille » ou « Je suis carrément amoureux de cette petite fille », peut-on notamment lire en ligne. Ailleurs, la description d’une poupée, avec la « sensualité de la jeunesse » et pour les « fantasmes les plus inavoués », ne laisse aucun doute.

« C’est en deux clics, il n’y a aucun filtre, aucun verrou. On trouve ça vraiment en tapant sur Google », constate notre journaliste François-Xavier Ménage à côté d’un responsable d’une association de lutte contre la pédocriminalité qui montre un autre site hébergé en Grande-Bretagne et uniquement dédié à la vente de poupées sexuelles. Tout est écrit en français, la livraison est gratuite et un clip promotionnel d’une poupée avec le corps et le visage d’un enfant est filmé dans une chambre à coucher. On y voit même la mention du stock restant. 

Des poupées pédopornographiques, interdites à la vente en France, sont pourtant encore accessibles sur des plateformes en ligne. – TF1

« Il y a tellement de demandes qu’ils arrivent, entre deux poupées ‘adultes’, à en mettre une enfantine avec un descriptif éloquent », dénonce Arnaud Gallais, président de l’association Mouv’Enfants. Dans les fiches techniques, on constate que la production se fait très souvent en Chine et que la taille des poupées, ici 100 cm, correspond à la taille d’un enfant de 4 ans.

Acheter un tel produit est un délit lourdement puni par la justice. Et pourtant, depuis des années, certains clients français vont jusqu’à laisser des commentaires abjects. Un internaute vante notamment « la qualité » d’une poupée « aussi bon marché que possible. » « Et donc là clairement, on fait des captures d’écran pour les envoyer à la répression des fraudes et au niveau de Pharos, qui est la police au niveau du numérique, et l’envoyer aussi au niveau du procureur de la République », explique ensuite Arnaud Gallais dans le reportage du 20H de TF1 en tête de cet article.

On voit qu’un État tout seul n’est pas armé pour répondre à des gens qui opèrent depuis différents pays

Me Yves-Maël Larcher, avocat spécialiste en droit du numérique

Il y a presque deux mois, le site Shein a créé la polémique après la découverte de poupées sexuelles en vente libre sur la plateforme. Depuis, le géant chinois a interdit la vente de ces produits illicites et des poursuites judiciaires ont été lancées dans une quinzaine de tribunaux, mobilisant 60 enquêteurs et menant à l’interpellation de 19 hommes. Fait notable : un tiers de ces interpellés était déjà connu pour des faits de nature sexuelle sur mineur. Plusieurs sont déjà en prison à ce jour.

Cependant, poursuivre les fabricants de poupées sexuelles est beaucoup plus compliqué, selon Me Yves-Maël Larcher, avocat spécialiste en droit du numérique, les producteurs s’inspirant des méthodes des narcotrafiquants. « On voit qu’un État tout seul n’est pas armé pour répondre à des gens qui opèrent depuis différents pays, qui peuvent fabriquer aussi bien en Chine, au Vietnam ou ailleurs, dans des tout petits ateliers parfois clandestins et qui échappent donc aussi aux autorités locales, et qui peuvent en quelques minutes, cloner et recloner des sites dans toutes les langues et tous les pays », explique Me Yves-Maël Larcher.

160.000 enfants victimes de violences sexuelles en France chaque année

Derrière le scandale des poupées sexuelles, il y a surtout des enfants en France qui un jour deviennent les victimes de ce business honteux, rappellent les associations d’aide aux victimes dans des campagnes de sensibilisation. « On a beaucoup de parcours criminels par exemple où on va avoir des prédateurs qui vont commencer simplement par regarder des contenus pornographiques de plus en plus violents, puis des contenus pédocriminels. Puis on va commencer peut-être à discuter avec des enfants, puis on va acheter des poupées et finalement on va finir par agresser sexuellement un enfant », expose Églantine Cami, chargée des plaidoyers pour l’association Caméléon, qui protège les enfants des violences sexuelles. Avant d’ajouter : « Le chiffre noir qu’il faut rappeler, c’est qu’on a plus de 160.000 enfants qui sont violés, agressés sexuellement ou qui subissent des tentatives de violences sexuelles chaque année en France. Pour résumer, c’est un enfant toutes les trois minutes. »

Les plateformes de vente promettent de redoubler de vigilance. Toutefois, la direction de Shein a refusé à trois reprises ces dernières semaines de se rendre à sa convocation à l’Assemblée nationale pour s’expliquer, alors que c’est pourtant obligatoire.

Victor GAUTIER | Reportage TF1 : François-Xavier MÉNAGE, Lucas LASSALLE

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