lundi, octobre 28

Près de 2,5 % des mineurs français – soit 381 000 enfants – font aujourd’hui l’objet d’une mesure d’aide sociale à l’enfance (ASE). Trois cent quatre-vingt-un mille, c’est davantage que la population de la Corse. Malgré un budget de 9,8 milliards d’euros, les services étatiques et départementaux ne sont pas en mesure d’endiguer les situations de maltraitance par des actions préventives.

Ils ne fournissent pas non plus de solutions systématiques permettant d’assurer l’égalité des chances aux enfants qui leur sont confiés. Le récent rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l’ASE le souligne : les services, exsangues, sont embourbés dans un « mode pompier » au sein duquel des professionnels trop chargés parent au plus pressé. On peine à les recruter, on peine à les former, on ne les soutient pas et le système de « protection » ne protège pas.

Les enfants confiés constituent pourtant la population la plus vulnérable de notre pays, confrontés à une perte de sécurité chez eux, puis au sein des institutions. Ils vivent vingt ans de moins que leurs pairs. Tout ce qu’il y avait à décrire a été décrit. Nous avons collectivement affirmé que la situation devait être corrigée. Est-elle corrigée ? Non. Les bébés, les enfants arrivent en rangs serrés dans un réseau de protection dont ils sortiront plus ou moins abîmés. Si la dynamique actuelle se poursuit, un quart ira vivre dans la rue. Comment expliquer l’absence de mécanismes permettant de corriger cette situation ? Quel est le problème fondamental de ce fonctionnement ? Et que proposer ?

Un système en perdition

La France est riche, dotée de formations d’excellence pour ses administrateurs et ses professionnels. Le réseau associatif y est dense. Mais la nature même du sujet – la protection d’enfants négligés et maltraités – nous rend incapables de penser de manière articulée pour agir avec efficacité. L’ASE, c’est d’un côté l’Etat, qui finance les départements, organise des états généraux, des commissions et publie plans et rapports.

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De l’autre, des départements, qui reçoivent les subsides et gèrent des flux d’enfants et d’adolescents émotionnellement traumatisés. L’action de l’ASE est donc locale par nature. Si, selon l’adage, il faut un village entier pour élever un enfant, il faut un village pour le réparer. Ce village, ce sont 129 000 professionnels de terrain et gestionnaires dont le métier implique une exposition permanente à des situations de violence familiale et institutionnelle.

Le problème, le voici. Les actrices et les acteurs de la protection de l’enfance exercent une clinique difficile à prévoir, à systématiser et à organiser. La qualité de leur travail ne peut être tenue pour acquise. Pas sans soutien, sans remise en cause et sans réévaluation. Or, à travers leurs mécanismes de financement, Etat et départements financent des « activités », qui succèdent à des « projets pilotes », centrés sur les enfants (prévenir les sorties sèches de l’ASE, prévenir les violences en foyer…). Tous visent à répondre à une facette du problème de ces enfants, avec l’espoir – compréhensible – de restaurer la dignité d’un système en perdition par l’entremise des bénéficiaires et en passant au-dessus de celles et ceux qui en prennent soin.

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