mardi, janvier 7

Le 7 janvier 2015, 8 membres de l’équipe de rédaction de Charlie Hebdo ont été tués dans un attentat terroriste.
Dix ans après, l’hebdomadaire satirique continue à être publié et à vouloir faire rire tout en dénonçant.
Retour sur la dernière décennie du journal, toujours en première ligne pour défendre la liberté d’expression.

Suivez la couverture complète

Les dix ans de l’attentat de Charlie Hebdo

Dix ans après, Charlie Hebdo est toujours là, envers et contre tout. Le magazine satirique, marqué à jamais par l’attentat islamiste du 7 janvier 2015, qui a conduit à la mort de 12 personnes au total, publiera à la date anniversaire son numéro 1694. Un numéro spécial de 32 pages et en vente deux semaines, comme une réponse aux terroristes qui avaient affirmé, après avoir accompli leur tuerie : « On a tué Charlie Hebdo ! ». Une décennie plus tard, la preuve en est que ce n’est pas le cas.

« Une ambiance normale » de rédaction

Dans des locaux ultra protégés et tenus secrets, une douzaine de dessinateurs, dont la moitié a été recrutée après l’attentat, se réunit pour échanger sur le journal à paraitre. « Une ambiance normale » de rédaction, confie à l’AFP le dessinateur Pierrick Juin, l’un des « nouveaux » membres de Charlie Hebdo.

Loin des records de 2015 (le numéro suivant l’attentat avait été diffusé à huit millions d’exemplaires et les abonnements culminaient à 240.000 en février), l’hebdomadaire peut aujourd’hui compter sur 30.000 abonnés. Alors que le magazine est désormais disponible en ligne et sur les réseaux sociaux, il s’écoule à environ 20.000 exemplaires en kiosques. Comme partout dans la presse, « c’est de plus en plus compliqué », avouait son rédacteur en chef. Et malgré tout, Charlie Hebdo continue à paraître, chaque semaine, sans exception.

Il faut être à la hauteur

Pierrick Juin, dessinateur qui a rejoint Charlie Hebdo en avril 2015

Si l’équipe du journal de caricatures se tourne donc vers l’avenir, les disparus gardent une place importante. « Ils sont toujours là, je les entends toujours parler. Avec l’équipe du journal, nous faisons sans cesse des allers-retours entre eux et nous », expliquait en décembre le directeur de la rédaction, Riss, lors d’un entretien au Monde, à l’occasion de la sortie d’un livre-hommage aux huit membres de la rédaction assassinés le 7 janvier 2015. « Depuis dix ans, j’essaie d’être un intermédiaire entre eux et les jeunes. On ne peut pas comprendre ce qu’on fait si on n’a plus ces disparus à l’esprit », soulignait-il.

« J’aurais aimé être aux côtés de Cabu, Wolinski et les autres. Il faut être à la hauteur », estime Pierrick Juin en réponse, tout en reconnaissant garder parfois « un sentiment d’imposture ». Car sur ses épaules comme sur celles de ceux qui dessinent pour Charlie Hebdo, repose la nécessité de perpétuer l’humour mordant, si caractéristique de l’hebdomadaire. Le fameux « esprit Charlie » qui considère que rien n’est sacré et que tout peut être critiqué.

Des polémiques et des incompréhensions

Une mission que toute l’équipe s’efforce de remplir, bien que l’attentat n’exempte pas les dessins de Charlie Hebdo d’incompréhensions voir de réactions violentes depuis dix ans. Dernière polémique en date, depuis septembre, plusieurs dessins liés au procès des viols de Mazan ont provoqué un tollé. « Il est franchement temps de remettre en question ‘l’humour’ de ce journal qui ne fait rire personne sauf des vieux types blancs aux cerveaux imbibés de culture du viol », a commenté une internaute sous l’un des dessins postés sur Instagram.

« Ce n’est pas Charlie qui est violent en montrant crûment les viols dont Gisèle Pelicot a été la victime », a défendu de son côté l’un des journalistes de la rédaction dans un billet publié sur le site du journal, insistant sur la nécessité de pouvoir continuer à tout dessiner. Avant cela, dans un autre registre, la publication, en août, d’une caricature de la Vierge Marie touchée par la variole du singe, a valu des plaintes à Charlie Hebdo. « Quand on a beaucoup de réactions, je me dis qu’il faut continuer », estime Juin, qui en était l’auteur.

Ce goût pour la provocation serait le meilleur moyen de défendre la liberté d’expression. Un message que défend l’équipe de Charlie Hebdo lors d’ateliers auprès des lycéens et collégiens pour mieux faire connaitre l’exercice de caricature. « J’ai été étonné par les questionnements des lycéens que j’ai rencontrés […] Comment Charlie Hebdo fait pour s’exprimer ? Certains demandent quelles ont les limites. Cela les préoccupe, ils ont peur du moment où on va franchir la ligne rouge. Je réponds qu’il faut oser aller au-delà de votre zone de confort. La liberté d’expression, pour qu’elle vive, il faut parfois la bousculer un peu », expliquait Riss, à l’AFP, lors d’un entretien en 2023. 

« On essaye de sensibiliser les jeunes », ajoutait-il encore. Le dispositif fonctionne à travers l’association « Génération Charlie ». Au-delà des commémorations, il y a bien un enjeu de « transmission », exposait le directeur de publication, qui, dix ans après la tuerie, vit toujours sous protection policière.


Aurélie LOEK

Partager
Exit mobile version