jeudi, décembre 25

  • Les mères d’Iris et Warren, deux adolescents de 15 et 17 années fauchés en 2022 par une ambulance alors qu’ils roulaient en trottinette à Lyon, ont décidé de se battre en justice et contre la mairie.
  • Endeuillées, Laure et Jessica exigent la fin de la voie partagée sur laquelle circulaient leurs enfants, qu’elles estiment dangereuse.
  • Leurs témoignages puissants et bouleversants sont à retrouver dans l’émission « Reportages Découvertes », diffusée ce samedi 4 octobre.

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Grands Reportages

Dans certaines grandes villes françaises, les différents modes de transport ont bien du mal à se partager la chaussée. Et le développement des mobilités douces compte aussi son lot de drames. Le lundi 22 août 2022, Iris et Warren, âgés de 15 et 17 ans, sont décédés en trottinette électrique, percutés par une ambulance privée qui roulait à vive allure sur une voie partagée située sur le quai Joffre, à Lyon. 

Aujourd’hui, leurs parents se battent pour que la mairie mette fin à ces voies partagées, où les accidents se multiplient. Laure et Jessica, les mères d’Iris et Warren, se sont confiées sur leur combat et leur douleur immense au micro de TF1 dans le cadre d’un nouveau numéro de « Reportages Découvertes », que l’on peut retrouver en tête de cet article.

Fauchés sur une voie limitée à 30 km/h

Le 22 août 2022, Iris et Warren vivaient leur première histoire d’amour. Après une après-midi d’été passée dans le centre-ville de Lyon, les deux adolescents ont décidé de louer une trottinette en libre-service pour rentrer chez eux. Sur le quai Joffre, les voitures étaient alors à l’arrêt. Iris et Warren ont emprunté la voie partagée entre mobilités douces, bus, taxis et véhicules de secours, limitée à 30 km/h. À 18h18, une ambulance les a percutés violemment par l’arrière. Les deux adolescents sont morts sur le coup.

Plus de deux ans après le drame, la blessure est toujours vive pour les familles. Elles ont décidé, contre l’avis de la mairie de Lyon, d’installer une stèle en mémoire de leurs enfants, sur le lieu de l’accident. Sur cette dalle, les initiales des deux adolescents décédés figurent au milieu d’un cœur rouge. « On ne l’enlèvera jamais cette stèle, elle est trop symbolique pour ça », glisse Laure, la maman d’Iris. « Elle est gravée dans le cœur et elle est gravée dans le béton », abonde Jessica, la mère de Warren.

« Pour nous, c’est vraiment important qu’aujourd’hui, il y ait un grand cœur rouge sur le quai, pour dire qu’ils sont toujours là, toujours dans nos cœurs et que tout Lyon ne les oubliera pas non plus parce qu’ils sont là. J’ai envie de leur dire que je les aime », déclare Laure, bouleversée, enlaçant Jessica, bougie à la main. 

« La sécurisation doit devenir une priorité »

Pour les familles, cette tragédie n’a rien d’une fatalité. Elles ont décidé de se porter partie civile, soupçonnant que l’ambulancier qui a percuté leurs enfants roulait trop vite et que sa sirène n’était pas allumée. Une enquête est en cours. « On ne lâche rien, le combat continue jusqu’à ce que les choses bougent », affirme Jessica.

Ironie du sort, la maison de Laure et de Christophe, le beau-père d’Iris, est située juste en face du lieu de l’accident. Chaque jour, le couple entend les bruits des ambulances qui filent à toute vitesse sur le quai Joffre. Devant la caméra de TF1, Laure se souvient de l’annonce, par un policier, de la mort de sa fille. « J’ai hurlé, ce qui a fait sortir mon fils. Il m’a entendue. Je ne savais pas qu’on pouvait crier comme une louve », confie la mère de famille, très émue. 

En attendant de connaître les résultats de l’expertise judiciaire sur cet accident, Laure est aussi entrée en guerre contre ces voies partagées, accusées d’être particulièrement dangereuses. « Il faut apprendre de ces morts. Le quai Joffre-Tilsitt est l’un des lieux les plus accidentogènes de toute cette métropole. C’est chiffré. Les morts s’entassent, il faut que ça devienne une priorité. Cette sécurisation doit devenir une priorité », martèle Laure, devant une large affiche qui surmonte sa maison. Sur ce grand cliché, les visages souriants des deux adolescents. 

Des interrogations sur le comportement de l’ambulancier

Après deux ans d’attente, l’expertise judiciaire est enfin terminée. Dans le bureau de leur avocat, Laure et son compagnon Christophe découvrent les circonstances de l’accident qui a tué Iris et Warren. Le rapport dévoile notamment « une vitesse excessive qui est à l’origine du non-évitement des enfants », comme le détaille l’avocat, qui précise que l’ambulancier roulait alors à environ 70 km/h. « Ce n’est pas parce qu’on est en urgence Samu que pour autant, on a le droit de mettre en danger la vie des autres », souligne-t-il, qui cite ainsi l’article 432-1 du code de la route.

Selon la loi, pour dépasser les vitesses limitées, une ambulance doit respecter plusieurs conditions : être en mission Samu, rester maître de son véhicule et déclencher gyrophare et sirène. « Là, en l’occurrence, il y a des choses qui posent problème, soulève l’avocat de Laure et Christophe. Premièrement, il n’y a pas de trace de freinage. Deuxième question : à quel moment a-t-il mis l’avertisseur sonore ? On a tout lieu de penser qu’à l’instant du choc, il n’était pas enclenché. Il l’a été à certains moments et certains témoins le disent. Mais s’il ne l’a pas mis dans l’instant de la collision, il était en tort au regard de la règlementation. » Pour l’avocat, d’autres témoignages sont nécessaires pour « savoir ce qui a été entendu » au cours de cette soirée du 22 août.

Un conducteur multirécidiviste ?

Sur place, l’équipe de TF1 a retrouvé un riverain témoin du drame. « J’étais tout simplement à mon domicile, les fenêtres étaient entrouvertes. Aux alentours de 18h10, j’entends deux bruits, boum, boum, très violents, qui m’interpellent. Là, tout de suite, je me mets à ma fenêtre », se souvient l’homme, qui est catégorique : la sirène de l’ambulance n’était pas allumée. Pour lui, il aurait été impossible d’entendre les bruits de l’accident si l’avertissement sonore du véhicule avait été activé.

Contacté à de multiples reprises par TF1, l’ambulancier n’a jamais répondu aux sollicitations. Son avocat refuse également de s’exprimer sur l’affaire. Au cours de son enquête, l’équipe de TF1 a découvert que cet ambulancier serait un multirécidiviste des infractions routières. Il en aurait cumulé 28, au total. Si bien que le jour de l’accident, il était vraisemblablement sous permis de conduire probatoire. En 2022, le parquet de Lyon avait d’ailleurs précisé que son permis ne comportait « plus que 2 points sur 8 » après une suspension. Avec un permis de conduire probatoire, il avait l’interdiction d’exercer la profession d’ambulancier. L’instruction devra déterminer si l’homme disposait d’une dérogation exceptionnelle qui lui aurait permis de conduire. 

Un « discours de sourd » avec le maire de Lyon

Dans l’attente du procès, les familles poursuivent leur combat contre la voie partagée du quai Joffre. Et Grégory Doucet, maire de Lyon, a enfin accepté de recevoir Laure et Jessica. Quelques semaines avant le rendez-vous, un projet de réaménagement du quai Joffre a été dévoilé. Il prévoit de supprimer cette voie partagée bus-vélo pour la remplacer par une piste cyclable sécurisée. Des travaux auront lieu dans quelques mois. Mais c’est la fin immédiate de la voie partagée que réclament Laure et Jessica. 

« Pour moi, c’était vraiment un discours de sourd avec quelqu’un qui est convaincu qu’il fait ce qu’il faut », déplore Laure, amère. Dans cette affaire, l’édile de Lyon pourrait être mis en cause pour mise en danger de la vie d’autrui. « On parle d’un accident, d’une tragédie qui concerne un lieu sur lequel on sait qu’il y a un risque, du fait notamment de cette voie unique où circulent bus et vélos. Les travaux sont déjà programmés », affirme Grégory Doucet auprès de TF1. « Bien évidemment, on ne peut pas tout faire du jour au lendemain, on doit organiser, prioriser », ajoute-t-il, « en fonction des capacités des entreprises de travaux publics ». Depuis l’accident d’Iris et Warren, une cycliste de plus est décédée sur la voie partagée du quai Joffre, qui a aussi fait de nombreux blessés.

N.K | Reportage : Maude MALLET et Chloé VIENNE

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