samedi, novembre 2

Dans quel milieu Hannah Arendt grandit-elle ?

Du côté paternel comme du côté maternel, dans celui de la bourgeoisie juive. Vers 1840, son arrière-grand-père, Aron Arendt, s’installe avec son épouse à Königsberg, où il développe rapidement une activité florissante de commerçant. Son fils, Max, fait prospérer à son tour l’affaire familiale tout en s’impliquant dans de nombreuses associations juives, mais aussi politiquement, dans la vie publique de sa ville natale. Paul, le fils de Max et donc le père de Hannah Arendt, devient ingénieur en chef dans une entreprise d’envergure internationale, dans une bourgade du nom de Linden, qui fait aujourd’hui partie de Hanovre. Quant à la mère, son nom de jeune fille était Cohn. Sa famille quitte l’Europe de l’Est vers 1860 pour s’installer également à Königsberg. Eux aussi sont des commerçants. Les Arendt et les Cohn habitent des années durant dans le même ­immeuble. C’est là que Paul Arendt et Martha Cohn ­apprennent jeunes à se connaître. Paul est un élève brillant. Nous savons en ­revanche peu de choses de la jeunesse de Martha.

Martha Arendt, la mère, brosse dans un carnet le portrait d’une fillette surdouée puis rebelle, exprimant peu ses émotions et passionnée de littérature dès son plus jeune âge. En quoi la jeune femme se ­distingue-t-elle de la petite fille ?

Très peu de documents sur la jeune fille sont parvenus jusqu’à nous, il est donc délicat de répondre à cette question. Les nombreux souvenirs que ses proches gardent de la jeune Hannah sont tous empreints d’admiration, ­frôlant même le panégyrique. L’un évoque la lectrice précoce de Nietzsche, qui n’envisageait pas de nouer une amitié avec quelqu’un ignorant tout de cette œuvre. Une autre parle d’une bonne amie qui, si elle souffrait au quotidien de l’antisémitisme, ne se montrait pas moins très enjouée avec sa famille et ses camarades – comme en témoignent de nombreuses photos. La fillette sensible que décrit sa mère semble être devenue une jeune femme intelligente, sans problème relationnel particulier.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde – Une vie, une œuvre : Hannah Arendt », octobre-novembre 2024, en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

Vous avez choisi, dans votre biographie, de restituer la vie et l’œuvre de Hannah Arendt dans son temps et uniquement dans son temps. Pour quelles raisons ?

Au regard de tout ce que j’avais découvert d’inédit sur Hannah Arendt au fil de ces années passées à explorer les archives, ce choix relevait de l’évidence. Je ne pouvais « faire parler » ce matériau que dans le cadre d’une mise en situation historique cohérente. Pour que le lecteur comprenne bien la nature des expériences faites par Arendt et la genèse de sa pensée, il me fallait les restituer dans l’époque et à la lumière de cette époque.

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