Le message a le mérite d’être clair. Dimanche 13 octobre, deux chars israéliens ont enfoncé à l’aube le portail d’une base de la Finul, au Liban, et fait irruption, par la force, à l’intérieur d’une enceinte des Nations unies dans un contexte où les tirs israéliens ont déjà blessé cinq casques bleus de la force d’interposition, les jours précédents. Ce nouvel incident ajoute à la pression exercée par Israël pour obtenir le retrait du sud du Liban des forces des Nations unies. Pour forcer le trait, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a enjoint, dans la même journée, aux casques bleus d’évacuer le sud du pays, où son armée est entrée le 1er octobre pour y combattre le Hezbollah. Adressant cette requête musclée au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, déclaré persona non grata en Israël, le 2 octobre, M. Nétanyahou a menacé : « Votre refus d’évacuer les soldats de la Finul les a transformés en otages du Hezbollah. Cela met en danger leur vie comme celle de nos soldats. »
Toujours dans la journée de dimanche, l’armée israélienne a tenté de minimiser la portée de l’événement du matin à l’entrée de la base de la Finul, avançant que l’une de ses unités avait été prise sous le feu du Hezbollah, lors d’une attaque ayant fait une vingtaine de blessés parmi ses soldats, et que l’intrusion d’un char dans l’enceinte de la force des Nations unies relevait d’une manœuvre d’évacuation. Dans la soirée, Stéphane Dujarric, porte-parole d’Antonio Guterres, a rappelé que « les attaques contre des soldats du maintien de la paix sont une atteinte au droit international, y compris au droit humanitaire international. Elles peuvent constituer un crime de guerre ». Quarante pays contributeurs de la Finul ont appelé, dans une déclaration commune, à la protection des casques bleus au Liban.
Cela n’a en rien fait dévier la position israélienne, qui s’inscrit dans une charge plus large contre les Nations unies et les institutions de la justice internationale. Les attaques récurrentes de l’Etat hébreu visent à la fois la légitimité de l’ONU et son organe judiciaire, la Cour internationale de justice, mais aussi celle de la Cour pénale internationale, deux institutions qui mettent en cause des dirigeants israéliens, la manière dont est menée la guerre à Gaza et l’occupation israélienne des territoires palestiniens.
Peter Lintl, chercheur à l’Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité (SWP), à Berlin, rappelle que la tension entre les gouvernements israéliens et les Nations unies est ancienne, mais revêt désormais une forme paroxystique, ou de « cristallisation », produit du contexte de la guerre en cours et de la radicalité du pouvoir actuel. « C’est sans doute le gouvernement [israélien] avec l’attitude la plus hostile jamais observée à l’égard des Nations unies », résume le spécialiste de la région.
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