mercredi, octobre 23

L’ancien président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers a été élu député européen le 9 juin dernier, sur la liste de Valérie Hayer (Renaissance).
Au Parlement européen, il veut porter des sujets liés à la protection civile, à l’adaptation au changement climatique et à l’engagement citoyen.
Pour TF1, le pompier de 53 ans raconte ses premiers pas à Bruxelles.

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C’est avec « les larmes aux yeux » que Grégory Allione, 53 ans, a quitté le 15 juillet dernier l’École nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers, dont il était le directeur. « Je porte l’uniforme depuis l’âge de 17 ans, raconte-t-il à TF1. Ce poste de directeur, c’est le plus beau dans la profession, celui auquel j’étais chargé de transmettre les valeurs du métier… C’était vraiment dur pour moi de le quitter. » 

Départ d’Aix-en-Provence et direction… Strasbourg et Bruxelles, où siège le Parlement européen. Car le 9 juillet dernier, Grégory Allione a été élu député européen sur la liste de Valérie Hayer (Renaissance) et siège désormais dans le groupe Renew, au côté de Pascal Canfin. Pour TF1, il raconte ses premiers pas d’eurodéputé et détaille ses priorités.

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Comment s’est passée votre découverte du Parlement européen ?

Grégory Allione : Élu le 9 juin, j’étais à Bruxelles dès le 11 pour participer aux discussions sur la distribution des « tops jobs » (président de la Commission européenne, président du Conseil européen, Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et président du Parlement européen). J’ai donc été plongé directement dans la machine, avec notamment l’élection de Valérie Hayer, présidente du groupe Renew, auquel j’appartiens. Je vais pour ma part siéger au sein de la commission Environnementale et au sein de celle dédiée à l’emploi. 

Qu’avez-vous ressenti en siégeant pour la première fois au Parlement ?

Le 16 juillet, à Strasbourg, la rentrée parlementaire a été un moment solennel et émouvant. Je me considère toujours comme le petit pompier volontaire de mon village et je n’ai jamais oublié d’où je viens. Quand je suis rentré dans cette enceinte et qu’un huissier m’a indiqué ma place, où m’attendait une pancarte à mon nom, au milieu de 719 autres députés, c’était assez particulier. D’autant plus que je suis le seul pompier de cette assemblée et si, bien sûr, d’autres élus défendront les sujets liés à la sécurité civile, je me sens une responsabilité particulière.

Ne pas saluer quelqu’un qui représente une partie de la population, c’est un déni de démocratie

Grégory Allione

Quel a été l’accueil de vos collègues habitués de la politique ?

Je me considère comme le petit nouveau et je marche encore à pas feutrés. Je suis curieux et je découvre. Mais tous mes collègues m’ont accueilli chaleureusement. Il y a beaucoup de respect entre les uns et les autres. Je salue et je serre la main à tout le monde, même à mes opposants politiques. Ne pas saluer quelqu’un qui représente une partie de la population, comme on l’a vu à l’Assemblée nationale en France, c’est un déni de démocratie.

Les élections européennes ont été éclipsées par la dissolution, comment rapprocher l’Europe des Français ?

Nous, députés européens, devons incarner l’Europe au quotidien dans les territoires. Je vais aller revoir toutes les personnes rencontrées pendant la campagne, pour qu’elles comprennent qu’on ne les oublie pas et que leurs sujets seront portés à Bruxelles. Nous devons tous les jours parler d’Europe. Quand on est en responsabilité, il existe une tendance naturelle à estimer que la faute est du ressort de la personne d’au-dessus. En France, les politiques considèrent souvent que des problèmes nationaux relèvent de l’Europe (la sécurité par exemple). Certes, l’Union européenne a des responsabilités. Mais il est trop facile de remettre systématiquement la faute sur l’Europe quand on peut agir au niveau national. 

À force d’opposer, on crée des blocs de société qui se détestent

Grégory Allione

Que défendez-vous pour l’Europe ?

Il faut arrêter avec l’Europe naïve. L’UE entre dans un autre mouvement. Jusqu’à présent, nous avions une Europe qui a préservé la paix et gommé les stigmates des tensions, dorénavant, elle doit rentrer dans un autre mouvement, résister aux extrêmes, mais aussi résister sur le plan économique. Ce mandat s’annonce passionnant.

Vous allez découvrir les négociations entre partis et les difficiles coalitions à mettre en place sur des sujets…

Le compromis doit faire partie de notre société. Quand les décideurs clivent, ils mettent des franges entières de la population dans un couloir de nage et les gens ne se parlent plus. On le voit avec la situation actuelle en France. À force d’opposer, on crée des blocs de société qui se détestent. Il faut recréer les conditions du vivre ensemble. La politique, c’est comme une famille. On peut ne pas être d’accord, mais il faut se respecter en tant qu’êtres humains. 

Nous devons à la fois simplifier et avoir un cap adapté aux territoires

Grégory Allione

Quels sujets comptez-vous porter ?

Ma vie professionnelle de pompier a évolué avec le dérèglement climatique. J’ai constaté l’ampleur des événements, leur intensité et leur récurrence. J’ai vécu au plus près le changement climatique. Avant, j’engageais des troupes sur mon département et les départements alentour parfois. En 2023, j’ai engagé des troupes au Chili et au Canada, je suis moi-même partie combattre les feux en Australie en 2020. Je ne suis plus le pompier des années 1990. Le changement climatique concerne tous les territoires. J’entends donc porter le sujet de la protection civile et l’accompagnement des citoyens pour faire face aux conséquences du changement climatique. La résilience doit être de mise. Il faut aussi renforcer les moyens aériens, l’Europe doit pouvoir se doter d’un avion bombardier d’eau par exemple.

Sur l’écologie justement, le Green Deal a fait figure d’épouvantail pendant la campagne, notamment du côté du RN… que faire ?

Sur ces sujets-là, il est nécessaire de mieux prendre en compte le terrain. Par exemple, les agriculteurs, confrontés chaque jour au changement climatique, doivent mener une transition écologique avec des objectifs ambitieux. Il faut donc les accompagner. Quand on crée une norme, il faut être capable de l’adapter aux spécificités de chaque territoire. Nous devons davantage prendre en compte le terrain. Nous devons à la fois simplifier et avoir un cap adapté aux territoires. C’est essentiel, mais c’est loin d’être évident !

Il faut faire davantage confiance aux départements, aux préfets

Grégory Allione

Vous défendez l’idée d’un choc de simplification…

Il faut qu’on arrive à faire en sorte que la parole politique soit mise en œuvre. Il faut que les administrations arrêtent de produire de la norme, et reproduire de la norme. Elles doivent aussi faire confiance au terrain, aux gens qui agissent tous les jours dans les territoires. Il faut faire davantage confiance aux départements, aux préfets. Car à chaque fois qu’on ne le fait pas, on remet une couche de contrôle.

Vous tenez aussi à travailler sur l’engagement des citoyens…

Je défends l’idée d’une directive sur l’engagement citoyen. Parce qu’il faut s’engager pour préserver le vivre ensemble. Il faut créer les conditions pour que l’on se respecte et renforcer l’altruisme. Je vais aussi travailler sur des sujets liés à la sécurité et au travail des sapeurs-pompiers.

Que pensez-vous de la situation politique en France ?

On a pu éviter que le RN soit au gouvernement. Les Français se sont unis pour empêcher ce scénario. Il faut s’unir pour l’avenir du pays. Je défends l’idée d’une coalition de l’arc républicain. Pour moi, ni LFI ni le RN n’en font partie. 

De quelle façon interprétez-vous les résultats du RN en France ?

Je suis effaré de voir qu’il y a des gens qui parlent de délinquance alors qu’ils vivent dans un endroit hyper tranquille où ils laissent leur maison ouverte. Les médias, les réseaux sociaux et les politiques créent en partie ces oppositions. Nous sommes dans une société dans laquelle il faut être pour ou contre, la nuance a disparu.

Êtes-vous en contact avec Emmanuel Macron ?

Je suis en contact avec son cabinet. Je pense que les Français découvriront tout ce que le Président a fait de bien quand il ne sera plus là. Quand on est chef, on doit prendre ses responsabilités, que ce soit à la tête d’une caserne ou d’un pays. Comme le dit Nicolas Sarkozy, être un patron, c’est savoir dire non. Or, nous vivons dans une société où l’on fait croire aux gens qu’on peut leur dire oui. On ne peut pas tout avoir sans rien faire, il faut sortir de cette société du « je ne fais rien et j’ai toujours plus ».


Marianne ENAULT

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