mercredi, octobre 16

Les dépenses de l’Assurance maladie sont au cœur du serrage de vis du nouveau gouvernement.
Certains accusent le dispositif de laisser passer des « millions d’argent public » en « fraude sociale ».
En 2023, les faux arrêts maladie ont coûté 7,9 millions d’euros.

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L’info passée au crible des Vérificateurs

L’Assurance maladie est priée de se serrer la ceinture. Accusée par le nouveau gouvernement de creuser le déficit de la Sécurité sociale, elle serait au cœur selon certains d’une large « fraude sociale ». Pour preuve, plusieurs comptes ont diffusé depuis ce lundi 14 octobre des sites internet proposant de générer de faux arrêts maladie, contre quelques euros.  

« Pour neuf euros, je viens d’obtenir en ligne un arrêt de travail bidon en deux minutes chrono », s’insurge par exemple Charles Prats, ancien magistrat de la délégation nationale à la lutte contre la fraude. « On arrête quand le sketch qui nous coûte des millions d’argent public », écrit-il (nouvelle fenêtre), interpellant directement le nouveau Premier ministre.

Des sites frauduleux surveillés depuis 2020

Pour tout comprendre à ce sujet, commençons par rappeler comment fonctionne le dispositif (nouvelle fenêtre). Lorsqu’un salarié est en arrêt de travail à cause d’une maladie, il a droit à des indemnités journalières. Celles-ci sont versées par le régime d’assurance maladie (CNAM) après un délai de carence de trois jours, et représentent 50% du salaire journalier de base. 

Dans l’exemple cité par Charles Prats, les caisses de l’État ne seront donc pas touchées, puisque l’arrêt ne couvre qu’une période de deux jours. Seul l’employeur, dans le cas où il pratique un maintien de salaire durant le délai de carence, sera victime de ce site. 

Charles Prat assure avoir obtenu un faux arrêts maladie en quelques clics, le lundi 14 octobre 2024 – Capture d’écran

Et qu’en est-il d’un arrêt plus long ? Ici, les jours d’absence sont directement indemnisés par les caisses de l’Assurance maladie, soit auprès de l’employeur, soit auprès du salarié. Sauf que le site utilisé par le magistrat, qui a rejoint les rangs d’Éric Ciotti lors des législatives anticipées, est identifié par l’Assurance maladie depuis bien longtemps. Depuis janvier 2020, elle considère (nouvelle fenêtre) que les « conditions » nécessaires à une prise en charge ne sont « pas remplies en cas de recours à ce site ». Ce qui signifie que si cet ancien candidat d’extrême droite a effectivement pu se fournir un arrêt maladie, ce document n’a aucune valeur. Il ne donne lieu à aucun remboursement.

Comme cette plateforme, plusieurs autres sites ont été épinglés par les autorités, dont un l’été dernier. Le 12 septembre, elles annonçaient par communiqué (nouvelle fenêtre) avoir à nouveau « détecté une augmentation des fraudes aux avis d’arrêts de travail » et appelaient les praticiens à privilégier l’avis d’arrêt de travail dématérialisé afin de protéger leur identité.

Un préjudice de 7,9 millions d’euros

Reste que la fraude aux arrêts de travail pèse dans les caisses de l’Assurance maladie. Dans son bilan annuel (nouvelle fenêtre) publié le 19 juillet dernier, elle évalue à 7,9 millions d’euros le coût des préjudices financiers détectés et stoppés après de faux arrêts de travail ou de fausses attestations de salaire l’an dernier. Un chiffre en nette hausse par rapport à 2022 (+58%), qui s’explique notamment par « l’accroissement des ventes de faux avis d’arrêts de travail (nouvelle fenêtre) sur les réseaux sociaux ». 

Au-delà du seul cas des fraudeurs qui demandent des dédommagements indûment, certains tentent de majorer leur montant. Comme nous l’expliquions plus tôt dans cet article, les indemnités ne recouvrent que la moitié du salaire. Ils tentent donc de fournir de faux bulletins de salaire pour en augmenter la somme. Dans son rapport, la CNAM cite ainsi les kits « clés en main », qui consiste à acheter en ligne de faux arrêts accompagnés des faux bulletins. Ce qui explique qu’en un an, le préjudice moyen par dossier a, lui aussi, augmenté, passant de 3900 à 4300 euros.

REPORTAGE – Fraude sociale : les contrôles vont doubler, voici comment les enquêteurs procèdentSource : JT 20h Semaine

02:07

Un phénomène que la CNAM tente d’endiguer. Elle cite un panel de dispositifs, dont l’usage de formulaires Cerfa (nouvelle fenêtre) sécurisés. Plus difficiles à falsifier, ils utilisent un papier spécial, accompagné d’une étiquette holographique et d’une encre magnétique. Si leur utilisation est aujourd’hui « encouragée », elle deviendra obligatoire dès juin 2025. La CNAM mentionne également la création d’un pôle de cyberenquêteurs, chargés de traquer les fraudes sur internet et les réseaux sociaux. Une méthode qui lui a permis en 2023 de détecter 60% de cas en plus par rapport à 2022. 

Une lutte qu’elle souhaite encore renforcer. D’ici à 2025, elle assure qu’un total de « 60 agents spécialisés, enquêteurs judiciaires, seront opérationnels pour s’attaquer aux nouvelles formes de fraudes sociales ». La promesse pour l’Assurance maladie : « Garantir que chaque euro alloué à l’Assurance Maladie soit utilisé, de manière efficace et efficiente, pour les soins des assurés. »

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Felicia SIDERIS

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