C’est un audit qui a failli passer inaperçu. Il n’a fait l’objet d’aucune publicité et, au sein des administrations centrales, peu nombreux sont ceux qui en ont eu vent. Pourtant, la démarche n’est pas anodine : Paul Hermelin, président du géant des services du numérique Capgemini, s’est vu confier une « mission d’évaluation » de la politique des visas de la France.
Selon nos informations, confirmées par les ministères des affaires étrangères et de l’intérieur, le président du groupe du CAC40, M. Hermelin, diplômé de l’Ecole polytechnique et de l’Ecole nationale d’administration, doit rendre ses conclusions en avril. D’après la lettre de mission signée des ministres Catherine Colonna et Gérald Darmanin, consultée par Le Monde, il doit « identifier des pistes d’amélioration des délais de prise de rendez-vous et de traitement, en particulier pour les publics cibles », c’est-à-dire les « hommes et femmes d’affaires, étudiants, artistes, sportifs, personnes invitées à un événement ». Il est précisé que M. Hermelin devra se pencher « prioritairement sur l’organisation et le fonctionnement des postes [consulaires] à moyens constants », avec une « attention particulière à l’Afrique », et qu’il devra proposer des « modalités d’adaptation rapide du dispositif pour répondre à des pics de demandes ou des situations particulières ».
D’après les éléments récoltés par Le Monde, cet audit ne prend pas la forme d’une prestation rémunérée de Capgemini. Il est assuré par Paul Hermelin « à titre personnel et bénévole », précise le ministère des affaires étrangères. Capgemini assure qu’aucun de ses salariés n’est impliqué dans la mission et précise que « Paul Hermelin, qui n’est pas salarié de Capgemini, intervient à titre personnel et gracieux au sein d’un groupe de travail sur le sujet du traitement des visas prioritaires ». Selon le Quai d’Orsay, le chef d’entreprise bénéficie pour sa mission d’un appui des « services d’inspection des deux ministères, l’inspection générale des affaires étrangères et l’inspection générale de l’administration ».
« Problème d’expertise »
Au sein des inspections, cet attelage suscite la circonspection. « Je ne suis pas au courant mais c’est une innovation tout à fait fâcheuse, réagit un inspecteur général sous le couvert de l’anonymat. Cela renvoie à l’idée que le privé travaille mieux que le public. » Une source diplomatique rejoint ce point de vue : « C’est quand même très étrange. Les inspections sont calibrées pour faire ce genre d’évaluation. Comment va-t-il s’y prendre ? Il va diriger les inspections générales ? Même pas en rêve. » Cette même source s’interroge par ailleurs sur le « problème d’expertise » que soulève le pilotage d’une mission sur les visas à une personnalité qui n’a jamais travaillé sur le sujet.
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