Il aimerait tant qu’on l’oublie… Dans un soupir, l’ex-député Les Républicains (LR) rallié à Emmanuel Macron Thierry Solère lance au Monde : « Je ne comprends pas que vous vouliez faire un truc sur moi, je n’intéresse plus personne… » Au Palais-Bourbon, son vœu semble, en tout cas, exaucé. Prenez Olivier Marleix. Dans son bureau de l’Assemblée nationale, le président du groupe LR fait défiler la liste de ses contacts sur son téléphone portable. Puis il s’exclame : « Vous voyez, je n’ai pas son 06 ! Ce type, je ne vois pas avec qui il peut être en relation chez nous ! S’il m’appelait, je ne le prendrais même pas. »
Le « type » en question, c’est donc Thierry Solère, 51 ans, à la fois ami intime de l’ex-premier ministre Edouard Philippe et toujours conseiller « officieux » d’Emmanuel Macron depuis l’été 2020. Le grand écart permanent, c’est sa façon de vivre, et même son principal talent, persiflent ses détracteurs. « Avant d’être chez Philippe, rappelle le maire (LR) de Meaux, Jean-François Copé, il était chez Le Maire et, avant, avec “Sarko”, et même avec moi à un moment ! Ce qui m’a le plus amusé, c’est son passage chez Macron, qui déteste Philippe, et ce, alors que Philippe était soi-disant tout pour lui ! » Le contorsionnisme fait homme.
Elu, en 2012, député de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) sous les couleurs de l’Union pour un mouvement populaire (UMP, devenue LR en 2015), réélu en 2017 après avoir rallié Emmanuel Macron, Thierry Solère ne s’est pourtant pas représenté en 2022. Et pour cause : il est, entre-temps, devenu l’homme politique le plus mis en examen de l’Hexagone, puisqu’il est poursuivi pour treize infractions, un record. Ces dernières années, les juges ont mis au jour un véritable « système Solère », une drôle de galaxie dans laquelle on a tendance à user, et surtout abuser, de son influence – réelle, ou supposée.
Voici l’histoire d’un homme qui a fait de l’entregent sa marque de fabrique, au point d’incarner, d’une certaine manière, la face cachée du macronisme : une propension à narguer la justice et à mordre la ligne jaune censée séparer le monde des affaires et l’univers de la politique.
Ses soucis judiciaires ne suscitent guère la compassion – c’est un euphémisme – parmi ses anciens collègues de LR, à l’instar d’Olivier Marleix. « Même pour l’UMP-LR, treize mises en examen, ça fait beaucoup, grince le député d’Eure-et-Loir. Parmi ceux qui ont trahi, Solère est l’un des pires ; il faut s’appeler Damien Abad [le député de l’Ain passé de LR à Renaissance] pour lui conserver son amitié ! Solère, c’est effrayant en matière de morale publique et d’éthique. Qu’il puisse conseiller le président, c’est stupéfiant, le cynisme de Macron est incroyable. » Certains de ses ex-amis affublent d’ailleurs M. Solère d’un titre peu enviable : celui de « conseiller en trahison » du président. « Un tel niveau de “plasticité” dans les convictions, c’est rare. Retourner sa veste, ça fait partie de la vie politique, mais à ce point, c’est caricatural », insiste Jean-François Copé
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