Sur les retraites, le 49.3 de trop

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Des députés de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) chantant La Marseillaise et huant la première ministre pendant toute la durée de son intervention, des élus du Rassemblement national tapant sur leurs pupitres, des manifestants rassemblés place de la Concorde et, plus tard, dans plusieurs villes de province pour dénoncer « un déni de démocratie ».

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Les scènes déclenchées, jeudi 16 mars, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Assemblée nationale par l’engagement de responsabilité du gouvernement sur le très impopulaire projet de report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans sont symptomatiques du climat politique. Elles vont bien au-delà des protestations que suscite d’ordinaire l’activation de l’article 49.3 de la Constitution.

Cette fois, une atmosphère de crise politique flotte sur le pays parce que, dix mois seulement après la réélection d’Emmanuel Macron, la légitimité d’une réforme qu’il a portée durant la campagne présidentielle est posée : les oppositions comme les syndicats dénient au président de la République le droit de la faire passer en utilisant les armes du parlementarisme rationalisé, alors qu’une majorité de Français y restent farouchement opposés. Ils useront de toutes les armes possibles pour le contraindre à reculer.

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L’impossibilité actée à la toute dernière minute par Elisabeth Borne de garantir le vote d’un texte qui avait été pourtant largement réécrit par la majorité sénatoriale de droite puis validé en commission mixte paritaire signe un double échec, dont une partie seulement lui est clairement imputable. C’est un fait : la réforme, difficile par nature, a été mal défendue par les ministres, qui se sont à plusieurs reprises contredits, au risque d’alimenter le procès en improvisation et en insincérité.

Situation volatile et dangereuse

La cheffe du gouvernement n’est cependant pas restée inflexible. Elle n’a eu de cesse, durant deux mois, de faire des concessions, dans l’espoir de rallier au projet les députés de droite, traditionnellement favorables au recul de l’âge de départ à la retraite. L’accord s’est révélé facile au Sénat, impossible à l’Assemblée nationale. La fronde qui a littéralement coupé en deux le groupe Les Républicains reflète l’état de déliquescence de la droite républicaine, qui ne sait plus à quelle ligne se vouer.

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La leçon pour le gouvernement et pour Emmanuel Macron est implacable. Il n’existe pas dans cette Assemblée à majorité relative, dominée par les extrêmes, d’alliés fiables pour construire des compromis et stabiliser le quinquennat. C’est ce qui rend la situation aussi volatile, inflammable et dangereuse.

En décidant, dans ce contexte, de recourir à l’article 49.3, comme l’y autorise la Constitution, l’exécutif a voulu donner une petite chance de survie à la réforme en jouant avec le feu. Pour justifier ce revirement de dernière minute, alors que, ces derniers jours, ils assumaient d’aller au vote, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne ont invoqué le risque financier que ferait courir, selon eux, un abandon pur et simple de la réforme.

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Mais c’est d’abord son quinquennat que le chef de l’Etat cherche à sauver de l’enlisement. Il le fait en prenant le risque non pas de faire chuter la première ministre, car les oppositions sont aujourd’hui trop désunies pour espérer renverser le gouvernement par l’adoption d’une motion de censure. Le risque encouru est de se couper durablement du pays, d’entretenir un ressentiment tenace voire de susciter des étincelles de violence. Le onzième 49.3 actionné par Elisabeth Borne ressemble au coup de menton de trop.

Le Monde

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