C’est plutôt le genre de phrase entendue lors d’un déménagement entre amis. Quand, au moment de passer l’armoire normande par la fenêtre du salon, sans abîmer les bords de préférence, l’un des renforts dit : « Normalement, ça passe. » Selon les calculs d’un cadre du parti les Républicains (LR), la réforme des retraites doit « passer » avec l’appui de la droite à l’Assemblée nationale et permettre à la première ministre, Elisabeth Borne, de garder l’article 49.3 dans les cartons. Mais tout est dans le « normalement ».
Car dans ce feuilleton hivernal, il manque encore un épisode avant un vote possible, jeudi 16 mars. La veille, la commission mixte paritaire (CMP) – chargée de trouver un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat – doit livrer la version définitive du texte, soumis ensuite aux parlementaires.
Le suspense n’est pas à chercher du côté du Palais du Luxembourg. Majoritaire avec son allié centriste, la droite sénatoriale suivra sans sourciller. Son chef de file, Bruno Retailleau, le martèle depuis des semaines au nom de la cohérence et de la responsabilité d’un parti qui a défendu, lors de la dernière élection présidentielle, un report de l’âge légal à 65 ans.
La crainte du gouvernement vient exclusivement du Palais-Bourbon et de ces soixante et un députés LR choyés et courtisés pour amener leur voix au pot commun ou, à défaut, s’abstenir. « La CMP peut faire bouger quelques voix sur les carrières longues par exemple, avance le député (LR) des Vosges Stéphane Viry. Et puis, le groupe LR à l’Assemblée nationale est plus hétérogène que celui du Sénat. » Un euphémisme. « Les LR, c’est une armée mexicaine d’autoentrepreneurs », ironisait déjà le 11 janvier le député (Renaissance) de Paris Sylvain Maillard. Mais une armée de réserve indispensable au camp présidentiel.
Or l’accord politique négocié avec ses principaux généraux n’a jamais garanti les 35 ou 40 voix nécessaires à la majorité. Dans l’entourage d’Olivier Marleix (le président du groupe LR à l’Assemblée nationale), les calculettes indiquent entre 36 et 37 pour et 17 et 19 contre. Soustractions faites, il resterait entre cinq et huit indécis. Une autre source donne plutôt entre huit et quinze élus flottants.
L’aide de Laurent Wauquiez ne viendra pas
Ce sont eux qui peuvent permettre à la majorité de surnager ou, au contraire, la faire couler à pic. « Parmi ces indécis, certains ne se sont jamais prononcés et refusent même d’en parler quand on leur pose la question », observe Eric Pauget. A en croire l’élu (LR) des Alpes-Maritimes (favorable depuis le départ à la réforme), certains camarades sont tentés « d’aller à la piscine jeudi » plutôt que d’assumer leur vote (pour une loi impopulaire) face à leurs électeurs. « La pression monte en circonscription. Pour la première fois, j’ai eu ma permanence taguée à Antibes avec des “64 ans, c’est non”. Est-ce que ça peut faire bouger certains députés ? », s’interroge ce proche d’Eric Ciotti.
Il vous reste 57.46% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.