Avant même d’atteindre le premier article du projet de loi gouvernemental, consacré aux régimes spéciaux, les débats sur la réforme des retraites se sont déjà enlisés vendredi 3 mars au Sénat. Sur le terrain, le bras de fer social a commencé, avec une grève reconductible lancée dans la filière énergie.
Les débats s’enlisent au Sénat
Deux semaines après les débats tendus à l’Assemblée nationale sur le projet de loi et conclus sans vote, les discussions s’enlisent au Sénat avant même d’aborder le cœur de la réforme. Après le rejet dans la matinée de vendredi d’une demande de référendum portée par la gauche, les parlementaires ont débuté par l’article liminaire sur les prévisions de déficit, voté seulement en soirée après de nombreuses interventions de la gauche, radicalement opposée au passage de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Les débats reprennent samedi matin, avec l’article premier prévoyant la fin progressive des régimes spéciaux de la RATP, des industries électriques et gazières, de la Banque de France ou des clercs et employés de notaire. La gauche s’oppose à leur suppression et a déposé quelque trois cent cinquante amendements sur ce seul article premier. A droite, le chef des sénateurs Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, souhaite que la suppression concerne non seulement les futurs embauchés, comme le prévoit le texte du gouvernement, mais aussi les salariés déjà en poste.
L’élu de Vendée a déposé un amendement en ce sens, qui ne sera toutefois pas examiné avant le débat sur l’article 7 de la réforme : la mesure-phare reportant l’âge légal de départ. « Mon amendement propose une convergence [entre les régimes] jusqu’en 2040, il n’y a rien de brutal alors que pour tous les Français, à partir du 1er septembre, la réforme commencera progressivement à s’appliquer », argumente-t-il.
Le gouvernement est contre et l’amendement Retailleau pourrait être rejeté, faute du soutien des centristes. Le Sénat a jusqu’au 12 mars à minuit pour tenter d’achever la première lecture des vingt articles du texte et les près de 4 000 amendements.
Grève reconductible dans l’énergie
Quatre jours avant le grand « blocage » appelé par les syndicats pour le 7 mars, la mobilisation a commencé dès vendredi chez les électriciens et gaziers, avec des baisses de production d’électricité dans plusieurs centrales nucléaires pour protester contre « le débat qui s’ouvre au Sénat » sur les régimes spéciaux, a annoncé la CGT. Ces actions, très encadrées par le gestionnaire du réseau de lignes à haute et très haute tension RTE, n’entraînent généralement pas de coupures pour les clients.
Le site Internet d’EDF répertoriait vendredi des baisses de charge dans plusieurs centrales. Celles de Flamanville (Manche), Paluel (Seine-Maritime) et Saint-Alban (Isère) étaient touchées par des réductions équivalant au total à un peu plus de 1 000 MW, soit la puissance d’un réacteur nucléaire, mais le mouvement « a vocation à s’étendre », selon la CGT. Vendredi dans la soirée, les quatre réacteurs de la centrale du Tricastin (Drôme) subissaient à leur tour des baisses de charge cumulées de l’ordre de 1 800 MW.
Ce mouvement devait au départ commencer lundi soir, en vue de mettre « la France à l’arrêt », mardi. Mais l’examen par le Sénat, dès samedi, de l’article 1 du projet de réforme des retraites portant sur la suppression des régimes spéciaux, dont celui des électriciens et des gaziers, a mis le feu aux poudres. Le secteur craint de voir disparaître ce régime et avec lui, à terme, son statut protecteur destiné à compenser notamment les contraintes horaires de ces métiers.
Le 7 mars, trois cent vingt rassemblements attendus
Interrompue depuis plusieurs semaines par les vacances scolaires, la série de mobilisations contre la réforme des retraites reprendra donc le 7 mars, journée de mobilisation contre la réforme des retraites durant laquelle l’intersyndicale appelle à mettre la France « à l’arrêt ». De source policière, les services de renseignement attendent entre 1,1 et 1,4 million de manifestants en France mardi dont 60 000 à 90 000 à Paris. Dans la capitale, le cortège défilera de Sèvres-Babylone à la place d’Italie. D’après une autre source policière, trois cent vingt rassemblements sont prévus dans toute la France.
Newsletter
« Politique »
Chaque semaine, « Le Monde » analyse pour vous les enjeux de l’actualité politique
S’inscrire
« Bloquez tout ce que vous pouvez » à partir du 7 mars, a exhorté vendredi soir le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon devant des étudiants à Paris. Après la mobilisation syndicale du 7 mars, celle des femmes, le 8, celle des jeunes, le 9 et celle pour le climat, le 10, le triple candidat à la présidentielle a dit former « le vœu qu’on appelle très vite à un autre rassemblement de masse ! Un samedi ! ».
Signe des importantes perturbations à prévoir le 7 mars, le ministre des transports, Clément Beaune, a invité vendredi tous les Français qui le peuvent à télétravailler. L’opérateur des transports franciliens, Ile-de-France Mobilités, a annoncé offrir le covoiturage aux passagers inscrits sur certaines plates-formes. A la veille de cette grève, la première ministre, Elisabeth Borne, interviendra sur France 5 dans l’émission « C à vous ».