Réforme des retraites : « L’effet négatif du 49.3 est loin d’être anecdotique »

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L’engagement, par Elisabeth Borne, de la responsabilité de son gouvernement, le 16 mars 2023, pour faire adopter le projet de réforme des retraites constitue la centième utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution depuis le début de la Ve République.

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Les diverses oppositions actuelles, malgré leurs clivages, dénoncent d’une même voix un déni démocratique, bien que celles qui furent auparavant au pouvoir l’aient également utilisé, et parfois intensément. L’opposition au contenu va, comme souvent, de pair avec l’opposition à la procédure. Et nombreux sont également ceux qui, comme le leader de la CFDT, Laurent Berger, craignent qu’un « vice démocratique », « dangereux », ne provoque des violences du fait du « ressentiment » et de la « colère » éprouvés. Mais, au-delà des discours des leaders politiques et syndicaux, comment les citoyens réagissent-ils au 49.3 ? L’exécutif court-il le risque d’une sanction dans l’opinion ?

Une recherche menée sur la popularité agrégée des premiers ministres entre janvier 1979 et juillet 2008 conclut que l’utilisation du 49.3 va de pair avec un recul significatif de l’approbation du premier ministre. Loin d’être anecdotique, l’effet négatif du 49.3 est comparable à celui qui est associé à un recul de 1 point du PIB.

Logiques sous-jacentes

S’appuyant sur quatre expérimentations en ligne, entre 2016 et 2019, administrées à plusieurs échantillons représentatifs (comprenant jusqu’à 19 000 répondants en France), une autre étude publiée en 2022 par l’American Journal of Political Science confirme que, à projet de loi constant, les citoyens évaluent plus négativement (en moyenne de 16 %) un exécutif qui fait adopter son texte en invoquant le 49.3 qu’en le faisant voter par une majorité parlementaire. En cas de recours au 49.3, l’approbation de l’exécutif recule chez les opposants du gouvernement ou de la loi adoptée, mais aussi chez les partisans. Selon l’étude, les préférences, sur le contenu législatif d’une part, et sur la procédure législative d’autre part, sont distinctes : il ne suffit pas d’être en accord avec un texte pour accepter son mode d’adoption à tout coup.

Cependant, les contextes d’utilisation du 49.3 ne sont pas à négliger. Lorsque la responsabilité du gouvernement est invoquée face à l’obstruction parlementaire, seule l’opposition y voit un motif supplémentaire de désapprobation.

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Mais, lorsqu’il y a incertitude sur l’existence d’une majorité parlementaire ou quand se tiennent des manifestations publiques massives, le recours au 49.3 est contesté par tous les segments électoraux. Son utilisation semble apparaître aux yeux des citoyens comme une rupture de la norme majoritaire dans le processus législatif des démocraties représentatives. Logiquement, dans cette perspective, le recours au 49.3 détériore significativement l’évaluation par les citoyens du fonctionnement de la démocratie, qu’ils soient ou non favorables au contenu de la loi adoptée. Cette dégradation est la cause prépondérante du recul de leur satisfaction vis-à-vis de l’exécutif.

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