Si ce n’est pas une capitulation, cela y ressemble : opposant déclaré à la réforme des retraites, reconnu comme tel dans les sondages, le Rassemblement national (RN) semble avoir admis le recul de l’âge de départ à 64 ans, à l’orée d’un mouvement de grève possiblement reconductible soutenu par l’intersyndicale. « Je pense qu’Emmanuel Macron réussira à faire passer sa réforme. Je pense même que hélas le pays s’est résigné à cela », souffle Sébastien Chenu, bras droit de Marine Le Pen. Le vice-président de l’Assemblée nationale, élu d’une circonscription du Nord où le rejet de la réforme est massif, ne croit guère à une France à l’arrêt dans les prochains jours : « En période de crise, d’inflation, les gens ne montent pas sur les barricades. Il peut y avoir du monde dans la rue mais on ne rentre pas dans une grande grève. »
Ce serait, du reste, le scénario le plus favorable au Rassemblement national, resté confortablement sous la ligne de flottaison dans le débat à l’Assemblée nationale, entre les déchirements des députés Les Républicains (LR), le chahut des « insoumis » et les divergences de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Mis sur la touche du débat parlementaire, le RN était présent en nombre, a beaucoup bâillé ou soupiré mais peu parlé, ou alors dans le vide : il n’y avait plus grand monde pour entendre Marine Le Pen défendre sa motion de censure en clôture des débats, dans la nuit du vendredi 17 au samedi 18 février.
Peu importe, se convainc le RN, qui a joué sans fausse note une seule partition : celle de la respectabilité. « Globalement, ils s’en sortent bien car ils ne sont pas questionnés sur leur évolution personnelle sur la réforme des retraites, ni sur la crédibilité de leur projet [Marine Le Pen a renoncé à la retraite après quarante annuités pour tous en pleine campagne présidentielle], observe Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Les Français ont bien compris que le RN est opposé à cette réforme, même s’il est moins présent que LFI [La France insoumise] dans la dénonciation. Cela ne lui nuit pas. »
« Contradiction interne »
Un durcissement du mouvement mettrait le RN devant un dilemme : comment répondre à l’envie d’en découdre de sa base populaire, particulièrement touchée par la réforme, tout en parlant avec son électorat grossissant venu de la droite, hostile à toute tentative de blocage du pays ? Dans les enquêtes d’opinion, la première population l’emporte largement, avec des niveaux élevés de soutien à une grève reconductible, similaires à ceux des sympathisants de gauche. « Ils sont pris dans une contradiction interne car leur base populaire est très antiréforme des retraites, mais le RN ne peut pas apparaître comme une puissance de désordre, analyse M. Teinturier. Cela explique leur position assez alambiquée. Marine Le Pen va devoir emprunter un chemin de crête entre se montrer proche du mouvement social, sans donner le sentiment qu’elle pourrait ajouter elle-même du désordre. »
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