La réforme des retraites s’apparente-t-elle, comme l’affirmait un ministre inquiet début janvier, à un vaste « coup de poker » ? Le gouvernement a abattu une à une ses cartes, depuis le 10 janvier, en espérant convaincre sur son projet de porter l’âge de départ de 62 à 64 ans en 2030. Mardi 7 février, 757 000 manifestants selon le ministère de l’intérieur, près de 2 millions selon la CGT, ont encore défilé dans l’ensemble du pays, au sein de cortèges plus dégarnis que ceux du 31 janvier. Mais au sommet de l’Etat, la prudence régnait dans l’attente de la mobilisation de samedi 11 février, plus redoutée et annoncée comme massive.
Au lendemain des débats ouverts dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, le pouvoir exécutif avance dans l’incertitude. Si le cheminement d’une réforme revêt une part de théâtre où se mêlent déclarations fracassantes, contacts secrets et prises à revers, le gouvernement d’Elisabeth Borne se heurte aux coups de bluff de partenaires déterminés à jouer le rapport de force, quitte à perturber les dynamiques classiques des négociations.
Au ministère du travail, on ne fait plus mystère des déceptions vis-à-vis des syndicats réformistes, qui n’ont jamais prononcé les mots d’apaisement tant espérés. « Ils sont sous la pression d’une base. Ils nous ont menti », confiait Olivier Dussopt, mardi au point du jour. Quelques heures plus tard, Laurent Berger a appelé le gouvernement à entendre ce « mouvement digne, responsable, encadré », sous peine « d’avoir un vrai problème démocratique à terme ». L’exécutif croit percevoir un coin enfoncé dans l’unité syndicale, entre ceux qui plaident pour des manifestations sans grève et ceux qui entendent durcir l’action par des blocages et des grèves reconductibles.
« Les Républicains ne nous ont pas encore menti »
Alors que la rue gronde, le gouvernement mise sur le Parlement. « C’est un temps institutionnel, l’Assemblée est la caisse de résonance des questionnements et inquiétudes », insiste-t-on à l’Elysée. Là encore, un certain flou règne. Le camp présidentiel sait qu’il n’est plus le maître des horloges, alors que l’alliance de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes) ralentit les débats en maniant l’obstruction, mais peut tout aussi bien retirer ses 18 000 amendements et hâter le vote sur l’âge de 64 ans. Un rythme décisif dans les discussions avec l’allié Les Républicains (LR). Le chemin avait semblé se dessiner à droite, après les concessions annoncées par Elisabeth Borne dimanche dans Le Journal du dimanche, répondant à la demande du groupe LR de limiter à quarante-trois ans la durée de cotisation de ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans.
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