L’examen du projet de réforme des retraites a démarré, jeudi 2 mars, au Sénat, dans une atmosphère nettement plus sereine qu’à l’Assemblée nationale. A l’ouverture des discussions, le ministre des comptes publics Gabriel Attal a plaidé pour le « respect ». « Je sais qu’ici on débat, on se respecte. Je sais qu’ici il n’y a pas de ZAD, il n’y a que la République », a déclaré le ministre.
Cette première séance, dirigée par le président du Sénat Gérard Larcher (Les Républicains, LR), a démarré par un « rappel au règlement » de la présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), Eliane Assassi, qui a exprimé le « devoir » de la gauche de manifester son « opposition la plus vive dans cet hémicycle ».
Plus de 4 700 amendements, bataille de procédures, joutes verbales… Les cent dix heures de discussion prévues, soit un tiers de plus qu’au Palais Bourbon en février d’après la droite, permettront-elles d’atteindre le vote final avant le 12 mars à minuit ?
C’est en tout cas le souhait émis mercredi par Gérard Larcher. « Le Sénat doit aux citoyens et aux partenaires sociaux un débat sur l’ensemble du texte », a expliqué le président du Sénat.
Gabriel Attal a lancé « un appel au compromis entre la majorité sénatoriale, qui incarne la volonté d’une réforme, et la majorité présidentielle, qui porte la responsabilité de la réforme ».
« Blocage » du pays
Privé d’un vote des députés, l’exécutif table sur le Sénat pour conférer une légitimité démocratique à une réforme dont deux tiers des Français (66 %) ne veulent pas, d’après un sondage Odoxa.
Les échanges s’organiseront autour du stratégique 7 mars, date du « blocage » du pays auquel appelle l’intersyndicale, contre le recul de l’âge de départ à 64 ans. L’ensemble des syndicats de la SNCF et de la RATP, notamment, souhaitent une grève reconductible à partir de cette date.
Ce climat politique et social n’est pas du tout propice pour le gouvernement et sa majorité. La cote de popularité d’Emmanuel Macron a chuté de six points en février, pour atteindre son plus bas niveau depuis trois ans, avec 32 % de Français satisfaits de son action, selon un sondage Ipsos pour Le Point paru mercredi. Celle de la première ministre Elisabeth Borne est aussi en baisse.
Deux articles examinés sur vingt
Les députés, empêtrés dans des débats houleux ponctués d’incidents de séance à répétition, n’ont pu examiner entièrement que deux des vingt articles du texte en deux semaines.
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C’est donc sur le texte du gouvernement, à peine modifié, que vont plancher les sénateurs. Avant de se lancer dans l’examen sur le fond, ils vont discuter de deux motions de rejet en bloc présentées par la gauche, puis, sans doute vendredi matin, d’une demande de référendum. Les trois seront sûrement repoussées.
Mais socialistes, communistes et écologistes entendent « faire front » pour s’opposer à une réforme « bricolée », « pas juste », « pas utile ».
Contrairement à ce qui s’était passé à l’Assemblée, les sénateurs de gauche veulent un vote sur l’article 7, qui repousse de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite. « Les Français doivent savoir qui vote et qui vote quoi quand il s’agit de leur avenir », défend le président du groupe socialiste Patrick Kanner. La gauche souhaite cependant que le scrutin sur cet article-clé n’intervienne qu’à l’issue de la journée de mobilisation du 7 mars.
La droite entend, elle, défendre ses « marqueurs » : retour à l’équilibre financier et politique familiale. Elle propose ainsi d’accorder une « surcote » de pension aux mères de famille qui ont une carrière complète. Une mesure chiffrée à 300 millions d’euros, regardée « avec intérêt » par le gouvernement, a précisé le ministre du travail Olivier Dussopt.
Le ministre du travail a en revanche définitivement fermé la porte, jeudi sur RTL, aux demandes des sénateurs LR sur les régimes spéciaux de retraite, que le gouvernement compte supprimer sans toutefois toucher à la « clause du grand-père » (qui maintient les régimes spéciaux aux salariés qui en bénéficient déjà).
La majorité sénatoriale propose par ailleurs un CDI nouvelle formule, exonéré de cotisations familiales, pour faciliter l’embauche des seniors au chômage. Les sénateurs attendent aussi du gouvernement des éclaircissements en premier lieu sur les carrières longues, un point qui a cristallisé les débats à l’Assemblée.
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