« L’éducation, plutôt qu’un domaine réservé, ne doit-elle pas être un domaine à préserver des interventions de l’exécutif ? »

0
11

Cette tribune paraît dans « Le Monde de l’éducation ». Si vous êtes abonné au Monde, vous pouvez vous inscrire à cette lettre hebdomadaire en suivant ce lien.

Par rapport à ses prédécesseurs, l’actuel président de la République marque un goût renforcé pour les questions scolaires, au point de les avoir fait entrer expressément dans son « domaine réservé ». Les constitutionnalistes ne manqueront pas de s’étonner, car cette notion de « domaine réservé », énoncée par Jacques Chaban-Delmas dès 1959, désigne un usage qui ne s’applique que dans les domaines où la Constitution, dans son article 5, reconnaît au président des pouvoirs très importants, en en faisant « le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ». Préoccupé de faire lire et commenter ce qu’il appelle les « grands textes », Emmanuel Macron serait bien avisé d’y inclure la Constitution.

Outre le fait qu’il n’appartient à aucune autorité publique de se « réserver », de son propre chef, tel ou tel domaine de l’action publique, voir l’école entrer dans ce champ soulève d’autres questions de nature différente. En effet, si l’éducation est bien en France un domaine important de l’action publique, où un gouvernement, avec un ministre chargé de ce portefeuille, exerce son pouvoir selon diverses formes juridiques, elle est aussi et surtout l’institution qui traite de la diffusion des savoirs à grande échelle. Or il n’est dit nulle part que les savoirs doivent dépendre du pouvoir politique, même si c’est le ministre, au sein de diverses concertations, qui traditionnellement, dans l’infinité des savoirs humains, « arrête » ceux qui sont censés être enseignés à l’école.

Valeurs en danger

En ce domaine comme en d’autres, nous ne pensons pas qu’on puisse légiférer sur de telles questions sans avoir une idée de ce qui se passe dans le monde, dans les centaines de « systèmes éducatifs » en acte dans tous les pays. Or les contenus d’enseignement, qui étaient souvent respectés par les pouvoirs politiques par fidélité aux traditions installées, sauf dans des cas extrêmes de dictatures, sont aujourd’hui fortement malmenés : extension des régimes dictatoriaux, nouvelle faveur de discours nationalistes, bellicistes ou racistes dans de nombreux pays, refus de beaucoup de pays, y compris parmi les plus en vue du camp « libéral », de donner les vérités partagées dans la communauté scientifique autrement que comme des théories alternatives, à égalité avec d’autres qui cautionnent divers discours, notamment sous influence religieuse.

Il vous reste 62.56% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici