Le protectionnisme fait son retour dans le débat français

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Subventionner les voitures électriques françaises et européennes plutôt que chinoises, cela ne relève pas du protectionnisme mais d’un « solide bon sens ». « Pourquoi on serait le seul espace au monde qui aime ce qui est fait chez les concurrents ? », interrogeait Emmanuel Macron, le 11 mai, en présentant son plan pour la « reconquête industrielle » dans la salle des fêtes de l’Elysée, devant 300 chefs d’entreprise et élus tout acquis à la cause.

La transition écologique est le théâtre d’un nouvel affrontement commercial entre puissances, dont la bataille pour la voiture électrique est la spectaculaire illustration. Il y a un an, le président américain, Joe Biden, présentait son Inflation Reduction Act (IRA), qui mobilise près de 400 milliards de dollars (374 milliards d’euros) d’argent public en dix ans pour inciter à la production aux Etats-Unis, auquel l’Europe a répondu par un élargissement massif du cadre des aides d’Etat. La Chine a pour sa part consacré près de 100 milliards de dollars à la création d’une filière de production de véhicules électriques depuis 2009.

Dans ce contexte, Bercy doit publier dans les prochains jours un décret très attendu, qui privera de facto les voitures électriques produites loin de l’Hexagone du bonus de 5 000 euros à l’achat. Une « petite révolution » pour le chef de l’Etat, qui a aussitôt précisé : « Ça ne veut pas dire qu’on fait du protectionnisme. »

« Un changement de philosophie économique »

Y penser toujours, n’en parler jamais. Dans le débat public comme chez les économistes, le mot même demeure radioactif. Les politiques l’associent à l’idée de repli, les économistes craignent son effet sur les prix, surtout en période d’inflation. Pourtant, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, ne s’en cache pas, il assumerait volontiers de « parler de préférence européenne ». « Je veux qu’on réserve les aides publiques à des produits européens, il y a 1,2 milliard d’euros en jeu », affirme-t-il à propos du bonus écologique. C’est d’ailleurs ce que font les Etats-Unis, qui ont conditionné les aides de l’IRA à un critère explicite de « contenu local », dans la droite ligne des taxes aux frontières appliquées par l’administration Trump. Lequel a déjà fait du protectionnisme le cœur de son futur grand retour sur la scène politique en 2024.

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En principe, ni les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ni les traités européens, qui excluent les critères de localisation, ne permettent à la France d’en faire autant, en tout cas pas sans l’accord de ses partenaires européens. La fameuse « préférence communautaire » sur laquelle s’est fondé le projet européen après-guerre est en effet non pas un principe juridique, mais un objectif politique. « C’est un combat que la France doit mener à Bruxelles », poursuit le ministre de l’économie. En attendant, la France ruse en utilisant la voie normative, sans attendre Bruxelles ou Berlin : le bonus ira aux véhicules dont la fabrication génère le moins de CO2. « On passe par la voie environnementale là où nous devrions passer par la voie politique, plaide Bruno Le Maire. Pas de contenu européen, pas de bonus ! »

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