Réduire nos émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement de la planète suppose de construire une économie nouvelle, moins dépendante des énergies fossiles et moins consommatrice d’énergie et de ressources. La sobriété et l’innovation technologique ont leur part dans cette construction. Mais, dans la prochaine décennie, elle reposera avant tout sur des investissements : dans des véhicules électriques, dans des éoliennes ou des centrales nucléaires, dans des pompes à chaleur et l’isolation des bâtiments, dans des usines de production de batteries… Pour tenir nos objectifs de baisse des émissions d’ici à 2030, le total de ces investissements pourrait atteindre environ 65 milliards d’euros par an, soit 2 points de produit intérieur brut annuel.
Les bénéfices collectifs de ces investissements ne font pas de doute, au-delà même de la préservation du climat : économies d’énergies fossiles importées, gains pour la santé liés à la réduction de la pollution, pour ne prendre que deux exemples.
Mais ces investissements dans une économie verte ont une particularité : ils ne visent pas à accroître la capacité de production ou à augmenter la productivité, comme c’est le cas des investissements usuels, ils visent avant tout à sortir des énergies fossiles. Dans l’immédiat, ils ne permettent donc pas de produire plus ou à moindre coût, et ne nous rendent pas collectivement plus riches.
La question du financement de ces investissements est ainsi rendue délicate par le fait qu’ils ne sont pas toujours rentables financièrement, au moins à court terme. Bien sûr, cette rentabilité dépend des prix futurs des énergies. Tarification du carbone et hausse anticipée de ces prix peuvent ainsi rendre ces investissements rentables. Elles n’accroissent toutefois pas directement la solvabilité des ménages ou des petites entreprises.
Sacrifices partagés
A ces considérations de rentabilité s’ajoute une question d’équité. La transformation majeure de notre économie et de nos modes de vie qu’appelle la transition climatique ne sera acceptable que si les sacrifices qu’elle demande sont partagés par tous, et si des alternatives sont accessibles aux ménages et aux entreprises contraints de réduire leurs consommations d’énergies fossiles. Le coût d’un véhicule électrique représente plus d’une année de revenus d’un ménage de la classe moyenne, et plus de deux années pour un ménage modeste ; la rénovation d’un logement et le changement de chauffage également.
Les politiques pour réduire les émissions, qu’elles passent par une tarification du carbone ou par des réglementations (interdiction de vente de véhicules thermiques, obligations de rénovation, zones à faibles émissions…), risquent de se heurter à de fortes résistances si les ménages ou les entreprises concernés n’ont pas la capacité de financer les investissements nécessaires et se retrouvent ainsi sans autre solution. La crise des « gilets jaunes » en France et les tensions actuelles en Allemagne autour de l’interdiction des chaudières à gaz en sont l’illustration.
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