Jacques Julliard, une vie d’engagements

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Editorialiste très présent dans la presse écrite depuis plus d’un demi-siècle, l’historien et essayiste Jacques Julliard est mort le 8 septembre à l’âge de 90 ans.

Né le 4 mars 1933 – le jour-même où Franklin D. Roosevelt est investi à la présidence des Etats-Unis – à Brénod (Ain), Jacques Julliard est issu d’une famille de commerçants en vins, d’ascendance paysanne et à l’engagement politique ancien. Son arrière-grand-père, Jean-François Julliard (1828-1899) est maire de la commune dès l’effondrement du Second Empire (1871-1881), son grand-père Marius, proche de Paul Painlevé, est conseiller général radical (1904-1919). Le père de Jacques, Marcien (1896-1960), a poursuivi la tradition des siens, devenant conseiller général et maire de la commune, de la Libération à la naissance de la Ve République.

Dès l’enfance, le jeune homme, élevé dans le culte du radical Edouard Herriot, se passionne pour les débats parlementaires grâce au Journal officiel, que reçoit son père. Il s’enthousiasme pour le verbe et le projet de Pierre Mendès France, même si le discours gaullien sur la « grandeur » le fascine aussi. Cela lui fait deux raisons pour décrier les faiblesses structurelles de la IVe République, que les constitutionnalistes Georges Vedel (1910-2002) et Maurice Duverger (1917-2014) pointent, prônant en riposte un régime présidentiel.

Partagé entre le catholicisme de sa mère et l’agnosticisme anticlérical de son père, Jacques Julliard, qui a quitté le collège Bichat à Nantua (Ain) pour le lycée du Parc à Lyon, conserve une pratique religieuse tiède grâce à l’aumônier de la khâgne où il prépare l’Ecole normale supérieure (ENS), un proche du père jésuite Henri de Lubac, champion de la résistance spirituelle au nazisme, un temps interdit d’enseignement pour « modernisme ». Sur ces bases, Jacques Julliard se forge un catholicisme personnel qui le tiendra en marge des coteries comme des assignations.

Militantisme

Son premier engagement syndical le porte en 1954 vers l’Union nationale des étudiants de France, qui réclame un « pré-salaire » pour les étudiants, l’année même où il intègre l’ENS en tant que germaniste. L’année suivante, il entre dans les instances de la revue Esprit et fait partie de la délégation de normaliens qui rencontre à l’été, en Algérie, certains des futurs dirigeants du Front de libération nationale. Bientôt, dans le sillage du juriste François Borella (1932-2017), inculpé pour atteinte à la sûreté de l’Etat en mai 1957, il se rapproche d’étudiants socialistes, dont Michel Rocard, et de la minorité de la CFTC emmenée par le philosophe et médiéviste Paul Vignaux (1904-1987), champion de la déconfessionnalisation de la centrale chrétienne. Il se lie durablement à ces hommes et rallie la tendance « Reconstruction » de la CFTC − devenue CFDT en 1964. Dès lors, Jacques Julliard accordera sans faille carrière de chercheur et engagement syndical.

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