Depuis plusieurs années, l’enquête publique est sur la sellette. L’exécutif considère qu’elle freine le développement de projets dont la réalisation est nécessaire et urgente. Il n’a de cesse de restreindre son champ d’application ou de raboter sa durée.
Des cercles de réflexion évaluent sa pertinence à l’aune de la notion d’utilité publique qui est tellement multiforme qu’elle en est devenue insaisissable. L’historien Frédéric Graber évoque même la notion d’« inutilité publique » (Editions Amsterdam, 2022).
Le rôle et la personnalité du commissaire enquêteur sont fortement contestés. La réalité de sa fonction est masquée par une appellation désuète. Or, c’est une activité qui remplit un incontestable rôle social d’ancrage territorial des projets par l’écoute des préoccupations des citoyens. Ces considérations de service public s’inscrivent dans un contexte où « la mise en musique » de la participation du public relève de plus en plus du secteur privé.
L’enquête publique est à la fois une procédure et un processus. Une procédure finement encadrée par un corpus de textes législatifs et réglementaires qui obligent le maître d’ouvrage à respecter des figures imposées proposant une concertation aux citoyens et garantissant un minimum de qualité à son projet. C’est ainsi que l’existence d’une procédure contraignante en fin de parcours contribue à bonifier le plan et l’opération soumis à enquête.
Faute politique et un déni démocratique
L’enquête publique est aussi une modalité de participation originale. Ses détracteurs ont beau jeu de dire que la concertation, pour peser vraiment, doit se situer à l’amont et non à la fin, lorsque tout est bouclé.
En fait, il y a de la place pour l’une et l’autre de ces étapes : en amont, la mise en place d’une coconstruction avec des acteurs, le plus souvent collectifs ; en aval, avec le recueil de l’avis du public directement confronté aux effets du projet, sans avoir pu mesurer sa réelle consistance. L’enquête publique leur sert de porte-voix. Les effets négatifs d’un aménagement sont souvent subis par ceux qui ne l’ont pas vu venir. Doit-on les empêcher de s’exprimer au risque de les désespérer de la concertation ?
Dans les faits, il y va de l’insertion d’un aménagement dans un territoire dans le respect des habitants et de la biodiversité. Penser que des citoyens n’ont rien à dire est une faute politique et un déni démocratique.
Examiner le profil des commissaires enquêteurs nécessite un passage par l’évolution de la notion d’utilité publique. Il fut un temps où l’intérêt général d’un aménagement était évident. Il y avait un lien consubstantiel entre le projet et son utilité économique. Avec la jurisprudence du Conseil d’Etat « Ville Nouvelle-Est » de 1971, la théorie du bilan s’impose.
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