Les mobilisations contre le projet de réforme des retraites reprennent avant même le 7 mars, date choisie par l’intersyndicale pour « mettre le pays à l’arrêt ». « Une des journées les plus difficiles qu’on ait connues », a prédit dimanche sur France 3 le ministre des transports Clément Beaune. Chez les routiers, plusieurs syndicats proposent une grève à partir de dimanche soir. Des blocages pourraient être organisés dès lundi matin.
La Fédération nationale des transports et de la logistique (FNTL) FO-UNCP a ainsi appelé dans un communiqué « l’ensemble des conducteurs routiers à se mettre à l’arrêt à partir du dimanche soir 5 mars 22 heures », ajoutant que les arrêts de travail seront ensuite reconduits les 6 et 7 mars. L’Union fédérale route FGTE-CFDT, syndicat majoritaire, n’a elle appelé à la mobilisation que pour le 7 mars, en même temps que les autres secteurs.
Interrogé sur BFM-TV, le secrétaire général de la FNTL FO-UNCP, Patrice Clos, s’est en revanche refusé à dévoiler le lieu des actions. « On s’est aperçu que, quand on prévenait certains journalistes, la police était là avant nous, (…) donc on préviendra au dernier moment », a-t-il justifié.
Le syndicat explique que la réforme des retraites du gouvernement concernera également les routiers, qui devront travailler deux ans de plus malgré le congé de fin d’activité (CFA) dont ils bénéficient, qui leur permet de partir plus tôt. « Le départ en CFA ne se fera plus à 57 ans, mais à 59 ans », indique FO dans son communiqué.
L’énergie déjà mobilisée
Dans certains secteurs, comme les gaziers et les électriciens, la mobilisation a commencé dès vendredi. Une avance sur le calendrier décidée avec le début des discussions au Sénat du projet de loi gouvernemental, et le vote de la suppression de plusieurs régimes spéciaux. Les agents d’EDF, en grève reconductible, ont multiplié samedi les actions, portant à près de 5 000 mégawatts les réductions de production depuis vendredi soir, soit l’équivalent de cinq réacteurs nucléaires.
Selon Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la CGT énergie joint par l’Agence France-Presse, « les premiers messages de sûreté de réseau sont atteints et notre but n’est pas de toucher les usagers » ; autrement dit les grévistes entendent ne pas accroître les baisses tant que ces messages d’alerte sur l’équilibre entre production et consommation sont émis par le régulateur du réseau. « Mais la question d’aller plus loin se posera la semaine prochaine », a-t-il averti, « on sera capable de tout ».
Les quatre unités de production nucléaires de Tricastin (Drôme) étaient touchées samedi par des baisses de charge d’environ 2 000 mégawatts, selon le site internet d’EDF, ainsi que l’unité 2 de Flamanville (Manche). A la mi-journée, la cinquième unité de Gravelines (Nord), Paluel 2 (Seine-et-Maritime) et la première tranche de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) ont à leur tour été affectées, effaçant près de 2 000 mégawatts de production.
Du côté des gaziers, la tranche 6 de la centrale thermique de Martigues (Bouches-du-Rhône) « est toujours arrêtée par les agents grévistes », occasionnant une baisse de « 465 mégawatts retirés du réseau », selon la CGT. Le syndicat a aussi revendiqué une mise « en sobriété énergétique » de « très nombreux » radars routiers en « Mayenne, [dans les] Bouches-du-Rhône, [dans les] Alpes-de-Haute-Provence, [en] Gironde… ». En clair, ces radars ne fonctionnent plus. « On ne dit pas où, comme ça on maintient la prévention, mais on supprime la sanction », a justifié M. Coudour.
« Perturbations majeures » dans les transports
Parmi les autres professions attendues sur le front de la grève, la SNCF et la RATP doivent communiquer leurs prévisions dimanche à 17 heures, mais des « perturbations majeures » ont déjà été annoncées par Ile-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité des transports dans la région francilienne.
Newsletter
« Politique »
Chaque semaine, « Le Monde » analyse pour vous les enjeux de l’actualité politique
S’inscrire
Le ministre des transports Clément Beaune a appelé dès vendredi tous les Français qui le peuvent à télétravailler. « Le 7, ça va être dur », a-t-il reconnu. Les liaisons internationales devraient aussi être affectées. Du côté du Thalys, « le trafic sera perturbé et tous les clients ont été prévenus », a indiqué samedi soir une porte-parole.
Dans les airs, la direction générale de l’aviation civile (DGAC) a demandé aux compagnies de réduire leurs programmes de vols le mardi et le mercredi, de 20 % à Paris-Charles-de-Gaulle et de 30 % à Paris-Orly, Beauvais, Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes, Marseille, Montpellier, Nice et Toulouse. « Air France prévoit d’assurer près de huit vols sur dix, dont la totalité de ses vols long-courriers », a communiqué la compagnie. « Toutefois, des retards et des annulations de dernière minute ne sont pas à exclure. »
Blocages graduels chez les raffineurs
Dans les raffineries, la CGT a également appelé à la grève reconductible, avec pour objectif de « bloquer l’ensemble de l’économie », au niveau de la production, de la distribution et de l’importation de carburant, selon la CGT-Chimie. Dans un premier temps, les grévistes entendent bloquer les expéditions des raffineries vers les dépôts, mais si le mouvement venait à durer trois jours ou plus, il pourrait entraîner l’arrêt de raffineries. Celle de Donges (Loire-Atlantique), une des plus importantes de TotalEnergies, est déjà « en arrêt de production » en raison d’un problème électrique survenu le 27 février, selon la direction.
Autre maillon, les avitailleurs ou « pompistes du ciel », chargés d’approvisionner les avions, sont également appelés à la grève dans les aéroports de la France entière. La CGT, premier syndicat du secteur, table sur un impact « immédiat ». Toute la branche pétrole et chimie est appelée à faire grève, y compris dans le secteur pharmaceutique.
Nouveauté dans l’industrie, l’appel à la grève dans l’ensemble de la métallurgie, et notamment chez les géants du secteur, côtés au CAC40 : aéronautique, automobile, sidérurgie sont toutes concernées par une grève que le syndicat de branche espère voir reconduite. Les syndicats CGT de Thales, de Valeo, de Stellantis, d’ArcelorMittal, de Forvia, d’Airbus, de Safran et de Renault ont notamment appelé à la grève.
« Fermer totalement les écoles »
Le SNUipp-FSU, premier syndicat du premier degré ne donnera pas ses prévisions de grévistes pour les écoles maternelles et élémentaires avant lundi. A l’inverse, pas de chiffres attendus pour les collèges et lycées, les enseignants du second degré n’étant pas tenus de se déclarer grévistes quarante-huit heures avant. Toutefois, les perturbations dans l’ensemble des établissements s’annoncent fortes.
Les sept principaux syndicats enseignants ont en effet appelé à « fermer totalement les écoles, [les] collèges, [les] lycées et [les] services » le 7 mars. La colère contre la réforme sera aiguisée par le mécontentement sur la question salariale, en dépit des propositions de revalorisations du ministère. Des blocages sporadiques par des lycéens sont également attendus. Idem dans les facs, où la mobilisation peine à décoller. Les organisations étudiantes et lycéennes ont appelé à « durcir le mouvement » contre la réforme avec une journée de mobilisation de la jeunesse le 9 mars.