A 80 ans, Philippe, habitant de Saint-Denis, barre la route « par solidarité »
Octogénaire filiforme, petit chapeau sur la tête, Philippe n’a eu aucun mal à effectuer dix kilomètres, avec ses tongs aux pieds, pour rejoindre depuis chez lui le rond-point de Gillot à l’entrée est de Saint-Denis. Là, sur la quatre-voies de la nationale 2, desservant l’aéroport Roland-Garros, un barrage filtrant est installé.
Entre 600 et 800 personnes ont répondu à l’appel de l’intersyndicale pour une « journée Ile morte ». Les véhicules passent au compte-goutte. L’ambiance est jugée « bon enfant » par les forces de l’ordre. Si son fils de 24 ans ne s’est pas déplacé, Philippe est lui venu « par solidarité et pour répondre à l’appel à la grève ». Cet ancien ouvrier du bâtiment est parti en retraite à 60 ans, sans avoir une carrière pleine car il « n’était pas déclaré tout le temps ». Comme la moitié des retraités réunionnais, il touche une pension de moins de 850 euros par mois. Ils sont ceux qui perçoivent les retraites les plus faibles de France, selon l’Insee.
Philippe confie pudiquement ne pas arriver à boucler la fin du mois, « même en ne faisant qu’un repas par jour ». « Ça me suffit, je fais avec », lance-t-il, refusant de se plaindre. Mais pour lui, « Macron n’en a rien à faire des retraités ». « Après deux mandats, il sera tranquille », se désole l’habitant de Saint-Denis qui avait déjà participé à des barrages pendant la grève des gilets jaunes.
L’octogénaire est farouchement opposé au travail jusqu’à 64 ans. Il pense aux « infirmières de permanence la nuit ». Et à tous ceux qui travaillent sur des chantiers. « Porter des sacs de ciment, c’est dur. Tourner le ciment avec une pelle, c’est dur aussi. Surtout à plus de 60 ans ». Le blocage des routes qui paralyse aujourd’hui La Réunion est légitime, estime-t-il : « Il faut bien faire entendre notre voix au gouvernement. Le peuple a le droit de parole face au pouvoir qui persiste et utilise le 49-3 ».
Craint-il des actes de violences comme lors des manifestations en marge des gilets jaunes et des barrages de route dans l’île ? « Il n’y a aucune violence si on ne nous tire pas dessus », répond fermement Philippe.
