Des « montées de tension » – comme il dit – successives. Depuis quelques jours, l’allié de toujours, François Bayrou, multiplie les critiques. Le 30 avril, dans Le Journal du dimanche, c’est la communication du gouvernement que le haut-commissaire au plan pourfend, estimant que « rien n’a été clairement expliqué » sur la réforme des retraites, ce qui a d’emblée sapé le bien-fondé de celle-ci. Il en a profité pour fustiger la verticalité, cette manie de « croire que, une fois élus, ce sont les dirigeants qui décident tout seuls », « la base » devant « suivre, obéir ou se résigner à une décision prise au-dessus d’elle ». Même salve trois jours plus tard dans Le Figaro, cette fois sur la fin de vie. Alors qu’Emmanuel Macron a évoqué une loi avant l’été, le maire de Pau, catholique pratiquant, dit préférer « accompagner la mort » plutôt que de la « donner ».
En coulisses, le président du MoDem veut peser, sur les hommes et sur la ligne. Selon plusieurs sources, il a menacé de quitter la majorité si les anciens Les Républicains, Gérald Darmanin (intérieur) ou Sébastien Lecornu (armées), étaient nommés premier ministre. « Je n’ai pas fait tout ça pour me retrouver avec des copies de Nicolas Sarkozy à Matignon », s’est exaspéré en privé celui qui, en 2007, avait laissé entendre qu’il préférait voter pour la socialiste Ségolène Royal plutôt que pour l’ancien président de l’UMP, qu’il n’a jamais pu supporter.
Depuis le premier jour, Bayrou – dont le soutien à Emmanuel Macron en 2017 avait été décisif – jouit d’un statut à part. Au sein d’une majorité composée de personnalités peu identifiées et sans poids politique, il est l’un des seuls à faire entendre sa voix. Les amis du chef de l’Etat le voient comme un « scorpion » qui ne peut pas s’empêcher de « piquer ». « Il est dans son rôle », relativise un conseiller de l’Elysée. Macron lui-même n’a jamais cessé de « traiter » avec cet allié à la fois précieux et encombrant, ne comptant pas son temps au téléphone avec « François », pour tenter de le convaincre ou pour le cajoler. Il n’hésite pas non plus à le taquiner. Cet hiver, lors d’une réunion à l’Elysée consacrée aux retraites, Bayrou a fait mine de vouloir s’exprimer, aussitôt interrompu par le président de la République : « François, on a lu les journaux, on sait… ! »
« Est-ce qu’il y a mieux que moi ? »
S’il s’en agace, le chef de l’Etat a intégré les critiques récurrentes du centriste. Mais celles-ci sont de plus en plus fréquentes, comme un écho des doutes qui tenaillent la majorité. La séquence des retraites a laissé des traces. Et l’impression de flottement du moment, comme si ce second mandat était en suspension, ouvre la voie à toutes les arrière-pensées. Dès le soir de sa réélection, la course à la succession de Macron était lancée. Mais celle-ci semble s’être accélérée. Devant ses amis, Bayrou, 71 ans, aime rappeler qu’il aura 75 ans en 2027, soit cinq ans de moins que le président américain, Joe Biden (80 ans), aujourd’hui. Il répète que les peuples oscillent entre besoin de renouvellement et besoin d’expérience. Dans cette dernière catégorie, « qui y a-t-il de disponible ? », interroge-t-il en privé, avant d’ajouter : « Est-ce qu’il y a mieux que moi ? »
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