Si le gouvernement espérait que l’affaire serait vite oubliée, c’est raté : le Parquet national financier (PNF) confirme au Monde l’ouverture d’une information judiciaire sur la gestion du fonds Marianne, à la suite des révélations du magazine Marianne et de France Télévisions. Les magistrats instructeurs devront faire la lumière sur des soupçons de « détournement de fonds publics », « détournement de fonds publics par négligence », mais aussi d’« abus de confiance » et de « prise illégale d’intérêts ».
Les deux médias ont pointé dans leurs enquêtes de nombreuses irrégularités dans l’attribution, par le cabinet de Marlène Schiappa, à l’époque ministre déléguée à la citoyenneté, et du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalité (CIPDR), présidé par Christian Gravel, de cette manne de 2,5 millions d’euros. Elle a été constituée après l’assassinat terroriste, en octobre 2020, d’un professeur d’histoire, Samuel Paty, pour lutter contre la radicalisation.
Dix-sept associations ont bénéficié de subventions. Mais la structure qui a obtenu la dotation la plus importante (355 000 euros), l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), aurait utilisé une bonne partie de la somme pour rémunérer ses dirigeants, dont l’essayiste Mohamed Sifaoui, à hauteur de 120 000 euros. M. Sifaoui s’est défendu en assurant avoir « touché un salaire en contrepartie d’un travail bel et bien effectué ».
Selon une autre enquête de Mediapart, une seconde association, Reconstruire le commun, créée quelques semaines avant l’appel à projets du fonds Marianne, a reçu 330 000 euros. Des fonds destinés à la production de contenus vidéos, dont certains avaient une teneur politique forte, en s’en prenant à des personnalités d’opposition à Emmanuel Macron, comme la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui a saisi le parquet, de même que Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise.
Pourquoi le choix de ces deux associations ?
Le président de la commission des finances du Sénat, Claude Raynal (PS, Haute-Garonne), qui avait demandé à se faire communiquer les documents administratifs relatifs à l’attribution des fonds, avait pointé, dans une conférence de presse, le 24 avril, les « questions posées » par ces deux associations, dont « l’objet est sans lien évident avec les objectifs du fonds ». « Pourquoi le comité de sélection a-t-il choisi deux associations, l’une naissante, l’autre n’ayant aucune compétence dans le domaine, pour les financements les plus importants ? », s’interrogeait l’élu, qui posait également la question des « rôles respectifs du comité interministériel et du cabinet de la ministre dans ces choix ».
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