Dynamique et dédiabolisé dans ses frontières ; sulfureux et en retrait à l’extérieur : à un an des élections européennes, le Rassemblement national (RN) se trouve dans cette situation paradoxale. En France, il est porté par de premiers sondages le situant en tête, comme en 2019. En Europe, la perspective d’emmener un groupe puissant d’eurosceptiques n’a jamais semblé aussi éloignée.
« Une campagne, c’est trois choses : une liste avec un chef de file, des alliances et une ligne. Chez nous, les deux premières sont déjà réglées », se félicite le député européen Thierry Mariani. Il se compare aux autres principaux partis, qui ignorent leur tête de liste et donc leurs axes de campagne – Renaissance, Les Républicains – voire leur stratégie d’alliances – la gauche. Jordan Bardella, qui persiste à ne pas confirmer sa place en tête de liste, lancera la campagne en septembre. Sa volonté : en faire un référendum sur la politique d’Emmanuel Macron, des « midterms » à la française.
« Il y aura une dimension nationale très forte », disait-il le 1er mai au Havre (Seine-Maritime), en marge de la « fête de la nation » du parti d’extrême droite. « En 2019, les “gilets jaunes” avaient porté la campagne des européennes ; la contestation sociale [contre la réforme des retraites] est l’acte 2 des “gilets jaunes”. » De fait, les manifestations violentes de l’hiver 2019 avaient débouché sur la participation la plus importante pour ce scrutin depuis vingt-cinq ans (50 %). Le RN en avait tiré les bénéfices, virant en tête devant La République en marche (ex-Renaissance), et ce en dépit des difficultés du mouvement à l’époque et d’une tête de liste alors novice et inconnue, M. Bardella.
« Il n’y a pas de raison de faire autre chose qu’européaniser le problème du pouvoir d’achat, celui de l’immigration, de la souveraineté, confirme Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN à l’Assemblée nationale. Pas besoin d’inventer la poudre. » Le RN mettra au cœur de sa campagne le futur pacte européen sur la migration et l’asile, une réforme de la politique européenne en la matière qui devrait aboutir durant la campagne électorale. La thématique de « l’empire contre les nations », visant à dénoncer l’impérialisme présumé de Bruxelles et portée par Philippe Olivier, tête pensante du groupe RN au Parlement européen, suscite moins d’enthousiasme. Jordan Bardella, qui ne cache pas sa perplexité sur cet axe de campagne, ne le reprend guère à son compte.
Blocage sur la relation avec la Russie
Reste un ennui : la dimension européenne du scrutin. En janvier, Jordan Bardella annonçait au Point une tournée des capitales européennes à la rencontre de ses alliés potentiels, à qui il devait proposer, « d’ici au printemps », deux pactes d’alliance : l’un portant sur la « protection de notre identité et de nos frontières », l’autre sur celle « de notre marché intérieur grâce au patriotisme économique ». Quelques mois plus tard, force est de constater que son bilan carbone est modéré : un séjour au Portugal, où l’extrême droite est susceptible d’envoyer pour la première fois une poignée d’élus à Strasbourg ; un autre à Rome, où il fut contraint à une rencontre en catimini avec l’allié du RN, Matteo Salvini (Ligue du Nord), et tenu à l’écart par le parti Fratelli d’Italia, de la présidente du conseil, Giorgia Meloni ; un dernier à l’occasion de la réunion des conservateurs américains et européens à Budapest, où il s’est affiché avec le premier ministre hongrois, Viktor Orban.
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