Dans les urnes, l’autre exception française

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Dans sa plus récente édition, la Revue française de science politique revient pour la première fois sur les élections de 2022. Excentricité universitaire, ce numéro est daté de l’année dernière, mais il est bien paru cet été. L’article qui ouvre le dossier s’intéresse à une exception française : dans notre pays, les femmes semblent n’avoir aucune réticence à voter pour le principal parti d’extrême droite, ce qui n’est pas le cas dans la plupart des autres pays européens. Les politistes Nonna Mayer et Anja Durovic reviennent sur ce que l’on appelle dans le vocabulaire spécialisé le « radical right gender gap », l’écart de genre face à la droite radicale, un phénomène largement observé qui veut que les hommes aient moins de réserve que les femmes à soutenir l’extrême droite.

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Dans l’Hexagone, cet écart était inexistant depuis que Marine Le Pen avait pris la tête du Rassemblement national en 2011. Mais l’arrivée, en 2022, d’un candidat adoptant « une ligne clairement antiféministe », Eric Zemmour, peut nous aider à mieux comprendre l’impact des attitudes sexistes. En s’appuyant sur les données de l’enquête électorale coordonnée par les chercheurs Vincent Tiberj et Amaïa Courty, « Youngelect », Nonna Mayer et Anja Durovic explorent les clivages politiques selon une « perspective intersectionnelle », le genre étant croisé notamment avec l’âge et la classe sociale. Les opinions politiques sont également prises en compte.

Populisme protestataire

A la lumière de cette analyse, il apparaît que le vote Le Pen est le même chez les hommes et les femmes : il est composé de personnes jeunes, issues des classes populaires. Le sexisme, pourtant récemment réintroduit dans le discours politique par certains représentants, n’a pas joué. L’hostilité à l’immigration, aux musulmans, à l’Europe et un positionnement à droite ont eu un impact bien plus net sur le vote RN. Toutefois, endosser des propos sexistes, comme sur la place excessive qu’occuperait le féminisme, augmente les probabilités d’avoir voté pour Eric Zemmour, particulièrement chez les hommes. De manière générale, le candidat Reconquête ! ravive le « radical right gender gap » en France avec un électorat plutôt masculin, mais aussi plus âgé que la moyenne.

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Le cycle électoral 2022 s’est soldé par une tripartition de l’échiquier politique, entre l’extrême droite, le camp présidentiel et une alliance de gauche autour de La France insoumise. Le vote populiste, fondé sur une scission entre des élites corrompues et un peuple vertueux, occupe dans cette nouvelle réalité une place déterminante, tant à gauche qu’à droite. Cependant, les attitudes populistes de certains électeurs pourraient en faire des électeurs volatils, plus protestataires qu’attachés à un parti. Frédéric Gonthier, professeur à Sciences Po Grenoble, démontre sur la base d’une enquête réalisée entre novembre 2021 et juillet 2022 que le vote populiste n’est toutefois pas synonyme de « nomadisme » politique. La tripartition risque, à ce compte, de s’installer dans la durée.

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