La décision du Conseil constitutionnel du 14 avril rejetant l’essentiel des requêtes dirigées contre la loi de réforme des retraites a soulevé des vagues, tant dans les milieux politiques et syndicaux que dans l’opinion publique et chez les juristes. Malgré quelques voix approuvant cette décision – telle celle de Didier Maus dans sa tribune « La leçon de droit parlementaire appliqué du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites devrait servir de modèle », Le Monde du 19 avril –, elle a été critiquée par la quasi-unanimité de ses commentateurs. Avec raison.
Car, comme l’a écrit Dominique Rousseau dans sa tribune (Le Monde, le 16 avril) : « La décision du Conseil constitutionnel s’impose, mais, parce qu’elle est mal fondée et mal motivée en droit, elle ne peut pas clore le contentieux », cette décision qui est à la fois donc « mal fondée et mal motivée », n’est, en d’autres termes, ni faite ni à faire. Mais, hélas, on ne pouvait guère attendre autre chose d’une institution aussi bancale que notre organe suprême de contrôle de la constitutionnalité des lois.
Contrairement à certains de mes collègues, qui semblent attacher peu d’importance au mode de désignation des neuf « sages » (quelle appellation usurpée !), je pense que cet aspect de son statut est l’une des sources des faiblesses de l’institution. Ces faiblesses tiennent à trois facteurs.
Pas neutres politiquement
D’abord, le fait que les autorités dotées du pouvoir de nomination sont toutes politiques. Certes, il ne s’agit pas de n’importe qui puisque ce sont les présidents de la République, du Sénat et de l’Assemblée nationale. Mais ces autorités ne sont pas neutres politiquement. Et, comme les membres de la Cour suprême des Etats-Unis, nommés par le président sur avis conforme du Sénat, les membres de notre Conseil constitutionnel sont forcément « marqués » politiquement.
D’autant plus que, parmi les autorités de nomination, deux – le président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat – participent directement à la fabrique des lois que le Conseil est appelé à contrôler. Quant au président de la République, nul n’ignore qu’il est, sinon l’auteur, du moins l’inspirateur de l’immense majorité des projets de loi. Il y a ainsi mélange des genres et, même, source de conflits d’intérêts.
Or, comme le veut le dicton britannique, « il ne suffit pas que la justice soit rendue, encore faut-il qu’elle paraisse avoir été rendue ». Avec un Conseil constitutionnel composé comme il l’est, cette « théorie des apparences » n’est pas satisfaite. Ensuite, les membres du Conseil constitutionnel n’ont à justifier d’aucune compétence professionnelle particulière. La seule condition posée à leur nomination est qu’ils « jouissent de leurs droits civiques et politiques » – c’est, en effet, le moins qu’on puisse attendre d’eux –, mais il est sous-entendu – car aucun texte ne le précise expressément – qu’ils doivent en outre être majeurs et de nationalité française.
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