Baisser les impôts ? Encore faut-il en avoir les moyens

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Après la pilule amère de la réforme des retraites, le président de la République entend envoyer un message positif à l’adresse des classes moyennes. Dans un entretien accordé au quotidien L’Opinion, Emmanuel Macron a affirmé, lundi 15 mai, vouloir « poursuivre une trajectoire de baisse de la fiscalité » en leur faveur, avant de réitérer la promesse, le soir même, au cours du journal de 20 heures de TF1. Si le cap est clair, les modalités restent à préciser et le principe est loin d’aller de soi dans une France surendettée, qui doit surmonter des défis inédits pour lesquels chaque recette fiscale sera précieuse. Transition écologique, éducation, santé : les besoins de financement sont immenses.

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Seraient concernés les Français qui gagnent un peu trop pour être aidés par le filet de protection sociale, mais pas assez « pour bien vivre », avec des revenus mensuels situés dans une fourchette de 1 500 à 2 500 euros, indique Emmanuel Macron, tout en laissant le gouvernement élaborer les mécanismes de cet allègement fiscal qui devrait atteindre 2 milliards d’euros sur l’ensemble de la mandature.

Il est légitime de se préoccuper du pouvoir d’achat des classes moyennes, qui rencontrent de réels problèmes de fin de mois et qui peuvent finir par exprimer leur mécontentement en votant pour le Rassemblement national. Encore faut-il que l’Etat ait les moyens de continuer de pratiquer des baisses d’impôts.

Mécanique de long cours

L’annonce présidentielle intervient au moment où les finances publiques françaises sont parmi les plus dégradées de la zone euro et où les rentrées fiscales risquent de connaître un freinage brutal en 2023 du fait du ralentissement de l’activité. Aux 52 milliards d’euros d’allègements fiscaux décidés au cours du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, s’ajoutent déjà une nouvelle baisse des impôts de production pour les entreprises et la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale des 20 % des ménages les plus aisés.

En s’affranchissant des avertissements lancés récemment par la Cour des comptes et le gouverneur de la Banque de France, qui appellent à la prudence sur des baisses d’impôts non financées par une réduction des dépenses, Emmanuel Macron emprunte une ligne de crête périlleuse. L’exemple du gouvernement de Liz Truss au Royaume-Uni, qui s’est fracassé à l’automne 2022 sous la pression des marchés financiers, doit être gardé en mémoire.

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L’essentiel de la dépense publique aujourd’hui est constitué par des transferts sociaux. Il n’est pas imaginable de s’y attaquer. Le chef de l’Etat mise donc sur la baisse des « dépenses curatives » grâce à des politiques de « prévention ». En matière d’emploi, par exemple, favoriser dans un premier temps l’apprentissage permet de faire baisser, dans un second temps, le coût des prestations chômage ou du RSA.

L’argument peut s’entendre, mais il s’agit d’une mécanique de long cours. Quand le manque à gagner des baisses d’impôts est immédiat, il faudra attendre plusieurs années pour que les politiques de prévention donnent leurs résultats. Dans l’intervalle, la France devra financer un mur d’investissements dans l’environnement, l’éducation ou la santé.

Dans ce contexte tendu, l’allègement fiscal envisagé devra répondre à deux préalables : être très ciblé et permettre de générer des rentrées fiscales supplémentaires par accroissement de la consommation et/ou de l’emploi. Le gouvernement n’en sera pas quitte pour autant. Il devra convaincre que ce nouveau geste s’intègre dans la trajectoire budgétaire qu’il a élaborée jusqu’à la fin du quinquennat pour réduire les déficits et la dette. Ce sera le plus difficile, car déjà en l’état actuel sa copie est sujette à caution.

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Le Monde

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