Eric Dupond-Moretti a déjà vécu pire déplacement. Ce vendredi 23 juin à Valenciennes, sous un ciel ensoleillé, le ministre de la justice, cravate bordeaux et costume sombre, affiche sa mine des bons jours. L’ancien avocat pénaliste s’est rendu sur les terres de son enfance pour annoncer la construction d’une prison, dans la banlieue de la sous-préfecture nordiste. Une manière d’illustrer la lutte que l’Etat mène contre la surpopulation carcérale et de vanter la création de six cents emplois. Yves Dusart, le maire (divers droite) de Saint-Saulve, la commune concernée, a le bon goût de soutenir le projet. Que demander de plus ?
Ce même jour, à 200 kilomètres de là, une autre nouvelle égaye la journée du ministre. Le tribunal administratif de Paris vient de porter un coup rude à l’une de ses bêtes noires, après la plainte inattendue de deux retraités. En annulant l’agrément ministériel qui permet à Anticor d’être partie civile dans plus de cent cinquante dossiers politico-financiers en France, la juridiction prive de son pouvoir urticant l’un des plus actifs poils à gratter de la République.
C’est cet agrément qui avait permis à l’association anticorruption de porter plainte, à l’automne 2020, contre le nouveau garde des sceaux, accusé de « prise illégale d’intérêts » pour avoir, quelques semaines après son arrivée place Vendôme, ordonné des enquêtes administratives visant des magistrats contre lesquels il avait été en conflit lorsqu’il était avocat. En juillet 2021, l’affaire a valu à Eric Dupond-Moretti une mise en examen. Elle doit se conclure par un procès devant la Cour de justice de la République, prévu du 6 au 17 novembre. Certes, les déboires d’Anticor ne changent rien aux tracas judiciaires du ministre. Mais le résultat est là : pour un temps, l’association est presque devenue inoffensive.
Les plus proches du chef de l’Etat
A l’Elysée, la nouvelle n’a attristé personne. Car, depuis la délivrance, en 2015, d’un premier agrément renouvelable tous les trois ans à Anticor, l’association n’a pas épargné les poids lourds de la Macronie. Certains, parmi les plus proches du chef de l’Etat, en ont fait les frais. A commencer par Richard Ferrand, solide soutien des premiers pas d’En marche ! et pilier de la majorité présidentielle. En mai 2017, Anticor porte plainte contre lui pour « prise illégale d’intérêts » dans un dossier immobilier.
L’enquête, classée par le parquet de Brest, est relancée en novembre, quand l’association dépose une nouvelle plainte et se constitue partie civile. Deux ans plus tard, les poursuites valent à Richard Ferrand, alors président de l’Assemblée nationale, d’être mis en examen. Au terme de multiples rebondissements, le dossier sera clos pour cause de prescription. Mais l’actuel président du bureau exécutif de Renaissance en a gardé une rancune tenace contre cette « sorte de parquet privé », comme il a qualifié l’association.
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