Même lieu, autre scène : pour les universités d’été de Reconquête !, dimanche 10 septembre, le meeting d’Eric Zemmour a été rapatrié sous les platanes de Gréoux-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence). Double avantage : le pré, de dimension modeste, permet de faire passer inaperçue la diminution de moitié de l’assistance (3 000 personnes revendiquées) et de garder en vie les électeurs les plus fragiles, comme s’en amuse un cadre du parti. Ce n’est pas le moment de les perdre : le 9 juin 2024, le scrutin européen aura des airs d’opération survie, pour le parti comme pour la tête de liste fraîchement intronisée, Marion Maréchal.
Hormis cela, rien n’a vraiment changé à Reconquête !. L’assistance, visiblement bien portante, conforte les espoirs zemmouristes de capter l’électorat de droite ; les échanges entre militants, en phase avec les obsessions des dirigeants, concernent « l’arnaque de l’Etat de droit », « le métissage » ou la fécondité débordante des « femmes africaines » qui compromettrait « le projet français » ; les stands proposent les classiques littéraires de l’extrême droite, des croix de bois, des tee-shirts royalistes ou des stages d’autodéfense avec un militant identitaire, candidat Rassemblement national aux élections régionales de 2021. Les cadres, surtout, affichent une confiance d’airain et répètent à l’unisson qu’on a trop vite enterré le mouvement d’extrême droite.
Dimanche matin, l’état-major, moins Eric Zemmour et Marion Maréchal, réunit la presse dans le couloir d’une maison de maître, entre deux armures de chevaliers et sous les blasons du domaine. Non pour expliquer dans quel ordre ils vont se répartir les places éligibles, ni si Sarah Knafo, la conseillère et compagne d’Eric Zemmour, va sortir de son rôle de l’ombre pour briguer un premier mandat, mais pour tenir un discours conquérant : la liste Reconquête ! est la plus à même, assurent-ils, de rassembler les déçus de la macronie et des Républicains (LR), ainsi que les partisans du Rassemblement national s’assumant de droite.
Ils en veulent pour preuve les récents propos de Nicolas Sarkozy, constituant un arc d’Emmanuel Macron à Eric Zemmour, semblant effacer ses anciens amis de LR et considérant que « la théorie du “grand remplacement” n’est pas d’extrême droite ». Reconquête ! tente de jouer sur deux tableaux : l’immigration, pour sécuriser son électorat de l’élection présidentielle ; et un libéral-conservatisme un brin suranné, à la conquête des derniers bataillons LR. Ainsi entend-on Guillaume Peltier prôner « la liberté d’entreprendre, la diminution du millefeuille fiscal et administratif et ces normes et taxes qui tuent l’Europe », pendant que Nicolas Bay vante « la lutte contre l’activisme-LGBT » du parti, très inquiet que les lectures données par des drag-queens dans des médiathèques ne pervertissent la jeunesse française.
Il vous reste 59.45% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.