A Calais et à Perpignan, des scènes nationales sous la coupe des maires

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Le Channel, scène nationale de Calais (Pas-de-Calais), est un lieu de vie marqué par l’hospitalité : deux longues nefs industrielles séparées par des allées filent en parallèle vers un haut chapiteau. A gauche, une rangée de pavillons. Au lointain, un belvédère. Dans les travées, des pagodes de bois où paressent des jeunes gens. Derrière les murs de brique, une librairie, un bar, un restaurant, des ateliers et des salles de spectacle. A l’étage, des bureaux et des logements pour les musiciens, circassiens, chorégraphes ou metteurs en scène de passage. Située dans d’anciens abattoirs rénovés par l’architecte Patrick Bouchain, cette citadelle culturelle inaugurée en 2007 multiplie les raisons de franchir sa porte d’entrée.

Le Channel n’est pas un endroit que l’on quitte facilement. Francis Peduzzi en est le directeur depuis 1991. Ce patron à l’ancienne, qui ne rate pas une représentation, ne souhaite pas s’en aller. Il risque toutefois d’y être contraint. Selon les articles parus dans la presse locale (la mairie a refusé de donner suite à nos demandes d’entretien), Natacha Bouchart, maire de Calais depuis 2008, aimerait qu’un nouveau projet artistique, porté par un autre directeur, voie le jour.

Entre l’élue (ex-Les Républicains et désormais soutien d’Emmanuel Macron) et l’homme de culture, le courant ne passe pas. Le théâtre accuse le coup des baisses en cascade de subventions municipales – pourtant fixées, à l’aide d’un contrat pluriannuel d’objectifs (CPO) signé entre toutes les tutelles, à près de 900 000 euros par an. Mais le compte n’y est plus.

Amputation de 350 000 euros

Francis Peduzzi égrène les chiffres : moins 200 000 euros en 2020, moins 100 000 en 2021, moins 145 000 en 2022. En 2023, le théâtre doit se débrouiller avec 550 000 euros (l’amputation a, cette fois-ci, atteint les 350 000 euros). Le doublement de sa facture énergétique ayant, en outre, précipité les comptes dans le rouge, les saisons à venir se déclinent au conditionnel. Le directeur avance à l’aveugle. Le 30 juin, le CPO qui le liait pour trois ans à ses partenaires sera remis en chantier. Le 31 décembre, la ville, propriétaire du site, pourrait lui retirer l’autorisation d’occupation temporaire dont il bénéficie et qui arrive à échéance.

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Face à de telles incertitudes, il y a de quoi être inquiet. Après une mobilisation de soutien qui a rallié près de 8 000 signatures (dont celle de Julien Gosselin, metteur en scène et enfant du pays), Francis Peduzzi invoque désormais le temps institutionnel et l’urgence de finaliser le prochain CPO : « Il faut un an de négociations et de discussions acharnées sur la moindre virgule pour établir ce texte qui définit le projet du lieu et les engagements de chacun. La ville, qui l’avait validé en 2020 en toute connaissance de cause, se comporte comme si sa signature ne l’obligeait en rien. Dès lors, la question se pose : comment demander à toute une profession (structures et tutelles) de signer des CPO en sachant que ceux qui ne le respectent pas n’ont aucun problème ? »

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