lundi, mai 20

La revue des revues. Les extrêmes droites recyclent et fabriquent des idées qu’elles parviennent aujourd’hui à diffuser auprès d’un public grandissant. Il faut bien en expliquer la teneur. Si l’on veut combattre efficacement ces idéologies, il faut les connaître et les comprendre. La Revue du crieur propose donc dans son dernier numéro, « Droites radicales : 50 nuances de brun » (160 pages, 15 euros), une plongée dans cet univers inquiétant.

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Dans l’introduction, Joseph Confavreux, corédacteur en chef de cette revue, et Ellen Salvi, journaliste à Mediapart en charge des extrêmes droites, remarquent que ces mouvances sont unies par un trait commun : leur succès s’explique en grande partie par le fait qu’elles répondent à un désir de transgression diffus qui préexiste au sein d’une partie de l’opinion.

« Hiérarchie biologique »

En multipliant les provocations, l’extrême droite prétend incarner une liberté intransigeante, mais cherche avant tout à imposer ses idées. La revue a donc rassemblé différents portraits d’intellectuels pour montrer où mène idéologiquement cette envie, préoccupante, de revenir à un ordre ancien fantasmé. Mathieu Bock-Côté, animateur de CNews, où il a pris le relais d’Eric Zemmour après son départ en 2021, est l’une des figures de cette galerie. Le journaliste de Mediapart Fabien Escalona le présente comme un « passeur » qui installe en France des polémiques américaines et canadiennes. Pourfendeur de l’« impérialisme woke américain », ou encore de l’« immigrationnisme » qui, en France comme dans son Québec natal, dénaturerait la nation, il ne craint pas d’annoncer l’essor d’une « terreur », digne de 1793, qui voudrait voir l’Occident expier ses fautes, telle la colonisation. Le totalitarisme guetterait même. Face aux critiques qui lui reprochent ses outrances langagières, Mathieu Bock-Côté surjoue la « victimisation ».

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La virulence du propos monte encore d’un cran chez Murray Rothbard (1926-1995), grande figure du courant libertarien américain, dont la Revue du crieur fait également le portrait. Cet auteur, controversé au sein même de son camp, n’en est pas moins apprécié par le président argentin Javier Milei, avide de coupes brutales au sein de l’appareil de l’Etat. Le projet de Rothbard ne vise rien de moins qu’à établir « un capitalisme sans Etat régissant l’ensemble des champs humains ». Qu’importe si cela vient renforcer les inégalités. Murray Rothbard s’en réjouit même, estimant que le marché rendrait ainsi visible la prétendue hiérarchie biologique qui existerait au sein de la population. Javier Milei ne souscrit pas ouvertement à ces idées. Ses partisans apprécient surtout sa rébellion contre un Etat jugé incapable. La pensée libertarienne sert en fin de compte à mobiliser la colère des électeurs. Qui s’étonnera que l’extrême droite s’en inspire ?

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