jeudi, septembre 19

De la mer, le Palais Bulles ressemble à un vaisseau ­spatial échoué sur les roches de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes). Ce dédale de bulles roses à hublots est l’œuvre de l’architecte hongrois Antti Lovag. Un disciple de l’architecture organique qui rêvait de bâtiments aux rondeurs réconfortantes, inspirés des maisons troglodytes ou du corps humain. Quand il a découvert le Palais Bulles, au début des années 1990, Pierre Cardin, dont la modestie n’était pas le trait de caractère principal, y a vu un hommage au « style Cardin ». Le couturier n’a-t-il pas connu le succès grâce à une « robe bulle » en mousseline et conçu de nombreux vêtements empruntant à l’esthétique de la conquête spatiale, Cosmocorps et Cosmobulles façon Star Trek et autres robes satellites ?

Il rachète le palais en 1992, le fait agrandir, puis le meuble à son goût, avec des assiettes de Picasso et des œufs en or sculptés par Lucio Fontana. Ce n’est peut-être pas un hasard : c’est ici, à l’intérieur de ce lieu idéal aux lignes si douces, que son clan a connu ses derniers moments de bonheur et d’unité. Le couturier, qui n’avait pas d’enfants mais une large famille, aimait rassembler quelques-uns de ses vingt et un neveux, nièces, petits-neveux et petites-nièces pour Ferragosto : cette fête du 15 août si importante pour les Italiens. Tous gardent le souvenir de baignades et de rires dans l’une des trois piscines de la propriété ou de longs déjeuners sur la terrasse à partager des salades caprese, dont Pierre Cardin raffolait…

« J’aimais bien mes cousins, mais, aujourd’hui, ils ont renoncé à se battre. » Regard au loin, comme aimanté par les flots, Rodrigo Basilicati-Cardin soupire longuement. Cet ingénieur italien de 53 ans, carrure de colosse et regard intense de crooneur vénitien, est le nouveau maître des lieux depuis le décès de son grand-oncle, le 29 décembre 2020. Il a aussi repris les rênes de la holding fondée par son parent, Pierre Cardin Evolution, qui emploie soixante-dix salariés en France et revendique un chiffre d’affaires annuel de plus de 600 millions d’euros réalisé dans plus de quatre-vingts pays.

Une forteresse assiégée

En ce mois d’août, un grand silence règne au sein d’un Palais Bulles écrasé par le soleil. Elles paraissent bien vides ces dix suites réparties sur 1 200 mètres carrés. Comme au temps de Pierre Cardin, des événements privés continuent de se dérouler dans ce lieu si atypique qui offre une vue stupéfiante sur la baie de Cannes. De grands raouts familiaux, en revanche, il n’est plus question. Le Palais Bulles est aujourd’hui une forteresse assiégée, au centre de la guerre de succession qui a éclaté dans la famille Cardin.

Il vous reste 89.05% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version