lundi, décembre 15
Manifestation d’agriculteurs contre la politique d’abattage des vaches atteintes de dermatose nodulaire contagieuse, à Millau (Aveyron), le 14 décembre 2025.

Manifestations et barrages dans tout le Sud-Ouest, dont le blocage de Bordeaux prévu dimanche 14 décembre, dans la soirée : des éleveurs de bovins font monter la pression avant la venue lundi, en Occitanie, de la ministre de l’agriculture, dont ils contestent la gestion de l’épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

« Il y a des nouveaux blocages en cours (…) ça continue et ça se développe », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Bertrand Venteau, président de la Coordination rurale, très remontée, comme la Confédération paysanne, contre l’abattage généralisé des bêtes des foyers affectés et pour exiger une large vaccination du cheptel français de 16 millions de bovins contre cette maladie non transmissible à l’homme.

Sur l’A64, bloquée depuis vendredi soir par des dizaines de tracteurs sur plus d’une centaine de kilomètres du Pays basque à l’est de Tarbes, des agriculteurs ont installé des sapins de Noël en signe de leur volonté de durer. « On est partis pour passer les fêtes ici », « on ne lèvera pas le camp comme ça », a déclaré à l’AFP Cédric Baron, agriculteur-éleveur de bovins à Montoussin (Haute-Garonne), mobilisé à Carbonne, point de départ d’un précédent mouvement de protestation agricole en janvier 2024.

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Les agriculteurs mobilisés contre l’abattage massif

« Nous sommes en guerre. Tant que l’Etat ne renoncera pas à l’abattage massif, on sera là », prévient Cédric Nespoulous, producteur de bovins viande dans le Tarn, où une cinquantaine d’agriculteurs bloquent la nationale N88 à l’entrée de la rocade d’Albi. A Millau, une vingtaine de tracteurs ont déversé lisier, foin, pneus et ordures devant et dans la cour de la sous-préfecture de l’Aveyron, selon un photographe de l’AFP.

D’autres agriculteurs se mobilisent près de Montpellier ou à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), en attendant de nouveaux appels au blocage en soirée à Bordeaux et en Dordogne.

Sur les barrages, beaucoup de militants se disent « choqués » par les images des gaz lacrymogènes utilisés par les gendarmes en milieu de semaine en Ariège pour disperser les éleveurs qui bloquaient l’accès des vétérinaires à la ferme touchée par le premier cas de DNC dans cette partie du pays.

« Quand il y a une bête malade, tout le monde est d’accord pour l’abattre, mais tuer des troupeaux entiers, alors qu’il faut des années pour monter une génétique et monter un troupeau, on est totalement contre », a déclaré à l’AFP Christophe Guénon, éleveur de vaches et maraîcher en bio, près de Bordeaux.

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Le gouvernement défend une vaccination ciblée

La ministre de l’agriculture, Annie Genevard, soutenue sur ce dossier par l’alliance syndicale majoritaire FNSEA-Jeunes Agriculteurs, défend « un protocole qui a très bien fonctionné », depuis l’apparition du premier cas en France de cette maladie, en juin, en Savoie. Elle a assuré samedi au journal Sud Ouest qu’il n’y avait « aucun foyer actif de DNC sur le territoire français ».

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Alors que le président de la Coordination rurale, M. Venteau, estime que « c’est maintenant que la vaccination doit se décréter, sinon on va avoir un drame dans moins d’un mois » et « tout le sud de la Loire sera contaminé », la ministre a répondu dimanche sur Europe 1 que « le virus n’est pas aux portes de chaque élevage ».

Lundi, elle se rendra en Occitanie pour « assister aux débuts de la vaccination sur ce territoire » pour un million de bêtes, « parce que c’est le chemin pour lutter contre la maladie ». Le gouvernement reste toutefois très prudent quant à une possible généralisation de la vaccination. « Si on vaccinait tout le cheptel, ça placerait la France comme une zone à risque et donc ça ferait peser un risque économique sur toute la filière agricole », a plaidé dimanche Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l’industrie, invité du « Grand Jury » RTL-M6-Le Figaro-Public Sénat.

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La stratégie de lutte contre la DNC mise en œuvre par le gouvernement, combinant abattage des troupeaux contaminés et vaccination ciblée, est la « plus efficace », a soutenu dimanche la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon. « Ce n’est pas une décision politique (…) c’est une décision sanitaire qui a été concertée (…) depuis juillet dernier avec le parlement sanitaire qui comprend des vétérinaires, des éleveurs, les chambres d’agriculture, les organisations syndicales, les services de l’Etat, l’Anses [Agence nationale de sécurité sanitaire] », a souligné Mme Bregeon.

Pourquoi ne pas vacciner toutes les bêtes ? « Il y a une chose qu’il faut comprendre, c’est qu’aujourd’hui lorsqu’une région est vaccinée, lorsqu’un département est vacciné, vous ne pouvez plus exporter parce que le territoire est considéré comme contaminé », a répondu la porte-parole du gouvernement, mettant en avant les « répercussions » sur le travail et le revenu des agriculteurs. « Il y a 3 000 bêtes qui ont été abattues depuis le début de cette maladie et on le sait, c’est un drame. Mais pour autant, c’est 0,02 % du cheptel français et ça permet de protéger les autres », a-t-elle relativisé.

Carole Delga en appelle à Sébastien Lecornu

La présidente de la région Occitanie, Carole Delga (Parti socialiste), dont la région est désormais épicentre de l’épizootie de DNC et de la colère agricole qui l’accompagne, a adressé dimanche une lettre ouverte au premier ministre, Sébastien Lecornu, jugeant « qu’il [était] temps pour [lui] d’intervenir afin de garantir, dans les plus brefs délais, un dialogue franc et sincère avec les agriculteurs de ce pays ».

Mme Delga a décrit dans son courrier « l’indignation et la colère » qui croissent « inexorablement face au désespoir d’un peuple. Elles sont à la mesure du choc ressenti par toute une profession et, au-delà, par la population, quant à la gestion gouvernementale de la dermatose nodulaire », écrit-elle.

Outre la gestion sanitaire de la crise actuelle, d’autres dossiers brûlants comme les accords commerciaux du Mercosur et la baisse annoncée du budget de la politique agricole commune européenne alimentent la colère des agriculteurs.

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Le Monde avec AFP

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