jeudi, octobre 24

ÉTATS-UNIS – « Enfermez-le ! » En déplacement dans un bureau de campagne de sa vice-présidente, mardi 22 octobre, Joe Biden s’est emporté au sujet de Donald Trump, allant jusqu’à déclarer qu’il devrait être « enfermé ». « Politiquement parlant », a-t-il ajouté. Or cette formule extrême, « lock him up » en anglais, largement applaudie par les partisans démocrates, est un copié-collé d’une vieille rhétorique… de Donald Trump. Le milliardaire républicain l’avait utilisée à plusieurs reprises lors de l’élection présidentielle de 2016 pour décrédibiliser Hillary Clinton, rattrapée par l’affaire des e-mails.

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Désormais, ce slogan « à la Donald Trump » se retrouve dans les quartiers démocrates et jusque dans les meetings de Kamala Harris. Lors d’un rassemblement dans le Wisconsin le 17 octobre, la foule a ainsi une nouvelle fois scandé « enfermez-le ! », au moment où la candidate montrait sur un écran géant un montage de son adversaire en train de se vanter d’avoir annulé la garantie fédérale de l’avortement.

À mesure que le scrutin du 5 novembre se rapproche et alors que les sondages restent très serrés, laissant ouverte la perspective d’un retour au pouvoir de Donald Trump, le camp démocrate muscle sa stratégie de campagne en s’inspirant directement de son adversaire pour mieux le combattre, au risque de flirter avec l’outrance.

« Une mitraillette anti-Trump »

« En juillet, lors de sa nomination comme candidate du parti, Kamala Harris avait abandonné la stratégie de Joe Biden du “negative campaigning”, c’est-à-dire de mener une campagne fondée sur le dénigrement de l’opposant, en l’occurrence de Donald Trump », rappelle Alexis Pichard, docteur en civilisation américaine, contacté par Le HuffPost. « Elle avait au contraire envisagé une campagne plus positive, mettant en avant les progrès sociaux qui peuvent être conquis par les démocrates à la Maison Blanche », poursuit-il.

Cependant, « depuis une à deux semaines, il y a eu un virage dans la campagne démocrate, et un retour à cette stratégie orientée vers l’attaque de Donald Trump ». La journée de ce mardi 22 octobre en donne un exemple édifiant : à la déclaration de Joe Biden s’ajoute celle de Barack Obama, qui a averti que le pays ne pouvait pas se permettre d’élire un « Donald Trump plus vieux et plus fou », dont les discours sont « des salades de mots ». Le même jour, le colistier de Kamala Harris, Tim Walz, a également jugé que Donald Trump « sombrait dans la folie », rapporte CNN.

Kamala Harris ne se prive pas non plus. Lors d’une courte allocution ce mercredi 23 octobre, elle a jugé que Donald Trump était « de plus en plus dérangé ». Sur X (anciennement Twitter) aussi, la démocrate multiplie les messages décrédibilisants envers Donald Trump. « Ce compte est devenu une véritable mitraillette anti-Trump », image Alexis Pichard, qui remarque que « la plupart des attaques tournent autour de sa santé et de son âge ».

La vice-présidente n’a par exemple pas manqué l’occasion de se moquer de son adversaire, âgé de 78 ans, lorsqu’il a passé une quarantaine de minutes à se balancer silencieusement sur scène, au rythme de ses chansons préférées, en plein meeting en Pennsylvanie, laissant les électeurs perplexes. « J’espère qu’il va bien », a-t-elle écrit en repostant la vidéo de l’évènement.

Des propos plus extrêmes pour séduire un électorat plus large

Or cette ligne se rapproche de plus en plus de celle de Donald Trump, habitué à dénigrer ses adversaires par tous les moyens, et qui a présenté Kamala Harris comme une « déficiente mentale », la qualifiant tour à tour d’« idiote », d’« incompétente », et de « mauvaise personne » lors de ses meetings.

« Ce revirement de campagne se fait à un moment où Kamala Harris cherche à fédérer par tous les moyens, pour ne surtout pas descendre dans les sondages », observe Alexis Pichard. « Ces propos plus violents peuvent lui permettre de paraître “plus masculine” et tordre le cou au sexisme qui pourrait inciter certains électeurs à ne pas voter pour elle, notamment les communautés afro-américaines ». La vice-présidente des États-Unis n’a ainsi pas hésité à mettre en avant le fait qu’elle détient elle-même « un Glock », s’écartant de la tradition démocrate fermement engagée pour une plus grande régulation des armes. « Si quelqu’un force l’entrée de mon domicile, il se fera tirer dessus », avait-elle même plaisanté face à Oprah Winfrey.

Surtout, ces propos plus extrêmes sont « un moyen de rappeler que Donald Trump est un danger pour la démocratie, qu’il n’est pas apte à diriger le pays, ce qui pourrait convaincre les républicains modérés de donner leur vote à Kamala Harris », souligne Alexis Pichard.

Mais cette rhétorique de la peur a ses limites : en ciblant ainsi son adversaire, Kamala Harris risque de se voir à nouveau reprocher par ses partisans de ne pas assez évoquer en profondeur son programme politique, ou tout simplement d’aller trop loin dans l’outrance. « Si Kamala Harris décrédibilise Donald Trump, elle n’est pas allée jusqu’à dénigrer ses électeurs », constate Alexis Pichard. Et de mettre en garde : « c’est une ligne rouge à ne pas franchir. Hillary Clinton en avait fait les frais en 2016, lorsqu’elle les avait qualifiés de “pitoyables” ».

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