vendredi, mai 3

Plus de 20 ans après l’affaire Flactif, le seul rescapé, Mario Leblanc, témoigne auprès d’Audrey Crespo-Mara dans « Sept à Huit ».
Sa mère, son beau-père et ses demi-sœurs et frère avaient été assassinés par un voisin jaloux, David Hotyat, au Grand-Bornand, en 2003.
Ce dernier pourra obtenir sa liberté conditionnelle en septembre 2025.

En 2003, les nombreux rebondissements de l’affaire défraient la chronique. Au milieu du battage médiatique entourant la disparition de Xavier Flactif, de sa compagne, Graziella Ortolano et de leurs trois enfants, se retrouve le premier enfant de celle-ci, Mario Leblanc, âgé alors de 14 ans. Seul rescapé de ce qui s’avèrera être, au fil de l’enquête, une tuerie réalisée par David Hotyat, voisin et locataire de Xavier Flactif, Mario Leblanc se remémore les faits auprès d’Audrey Crespo-Mara sur « Sept à Huit », plus de vingt ans après.

Une disparition inexpliquée

Tout commence lorsque Mario Leblanc arrive pour les vacances au chalet où réside la famille, au Grand-Bornand, en Haute-Savoie. « Je suis dans l’état d’esprit d’un gamin de 14 ans, qui va voir sa mère au bout de deux mois. Content, excité. Qui va passer les vacances avec ses frères et sœurs à la montagne », se rappelle celui qui est aujourd’hui trentenaire. Mais lorsqu’il arrive sur place, personne n’est là. « Ça ne me surprend pas spécialement, dans le sens où j’ai l’habitude que Xavier et ma mère soient en rendez-vous pour leur boulot et que les enfants, c’étaient pas les vacances scolaires pour eux à ce moment-là donc ils étaient peut-être à l’école ou en activité… Je sais que les petits attendaient que ça que j’arrive donc ce n’était pas possible qu’ils oublient que je sois là », souligne-t-il.

Faute de nouvelle, le jeune homme dort chez des amis de sa mère et revient au chalet le lendemain, où il réussit à rentrer. « Tout est nickel. Il n’y a rien qui traine. Quand on monte à l’étage, je vois qu’il n’y a plus un drap sur le lit. Sur le coup, je vois pas trop pourquoi il n’y a plus le linge de lit. Sur le bureau de ma mère, il y a ses papiers, son ordinateur et dans la cuisine, on voit des casseroles qui n’ont pas encore été lavées avec un reste de nourriture dedans. Donc, on dirait qu’il y avait quelqu’un qui avait mangé là la veille et puis que, d’un coup, il n’y a plus personne », décrit Mario Leblanc. 

Après plusieurs jours sans nouvelles, la police ouvre une enquête et son père, ses grands-parents et sa tante viennent rejoindre l’adolescent. « Moi, je ne réalisais pas encore vraiment ce qu’il se passait. Je me posais 1000 questions parce que j’étais là-bas et il n’y avait personne. Mais je pense qu’eux, sur le coup, on ressentit plus d’inquiétude que moi », se souvient-il.

Un voisin suspect qui se confie aux caméras

Au fil de l’enquête, la personnalité et le passé du beau-père de Mario Leblanc, Xavier Flactif, sont fouillés par les enquêteurs. Le promoteur immobilier, qui construit des chalets pour les vendre ensuite, attire les critiques de certains habitants du village. Entre autres, celles d’un voisin mécanicien, David Hotyat, et de sa compagne, Alexandra, femme de ménage. Ces locataires de Xavier Flactif ne l’épargnent pas lors d’une interview accordée à l’époque à « Sept à Huit ». « C’est le genre arnaqueur, ça se voit tout de suite », accusait notamment Hotyat lors de cet entretien. 

Durant cette émission, l’homme reconnait néanmoins qu’il est la dernière personne à avoir vu Xavier Flactif vivant et émet même une curieuse hypothèse. « Beaucoup de gens pensent que ça peut être une mise en scène. Mise en scène ou pas, ça… Ou alors, c’est possible aussi que quelqu’un ait fait un carnage là-dedans, ça, on ne sait pas », suppose Hotyat. Une hypothèse qui fait bondir Mario Leblanc, des années après. « Dans quel esprit sain cette idée viendrait en fait ? », s’interroge-t-il encore. « Là, on était encore en train de faire des recherches pour voir s’il n’y avait pas eu d’accident, de choses comme ça. Il m’a tout de suite paru bizarre. »

La police scientifique va ensuite intervenir dans le chalet. Elle découvre des traces de sang nettoyées, un peu partout dans le chalet, des fragments de dents d’adulte et d’enfant, de l’ADN des cinq membres de la famille ainsi que celui d’une sixième personne sans qu’elle puisse être identifiée. Des dizaines d’individus sont convoqués pour des tests salivaires, mais un homme refuse : David Hotyat. Il s’avérera que c’est bien son ADN sur la scène de crime. Cinq mois après la disparition de la famille, il est interpellé avec sa compagne, ainsi qu’un couple d’amis jugés complices du meurtre des cinq personnes, dont trois enfants, de 6 à 10 ans.

J’ai eu aucune excuse, aucun regard

Mario Leblanc

« Il serait arrivé au chalet quand il n’y avait que les enfants. Il se serait d’abord occupé de supprimer les enfants. Ensuite ma mère qui rentrait, qu’il aurait abattue dans la montée d’escaliers. Et enfin, Xavier à la fin, qui lui, aurait eu le temps de voir tout ce qui s’était passé dans le chalet. Je vous laisse imaginer un père de famille qui rentre chez lui et puis qui voit le massacre de tout le monde dans la salle à manger. Et donc, il le tue aussi », relate Mario Leblanc. David Hotyat est mis en examen pour assassinat et écroué. En prison, il avoue avoir incinéré dans la forêt aux alentours les corps. Des fragments d’os sont retrouvés à l’endroit indiqué. 

« Quand les restes de ma mère, de toute la famille, ont été retrouvés dans la forêt, mon père m’en parle le soir, après que je rentre des cours. Et là, clairement, je m’effondre parce que j’ai compris ce qu’il s’est passé. J’ai le souvenir de moi qui tombe, en pleurant », explique le rescapé. « Mon interrogation maintenant, c’est comment on en arrive là. Je veux bien qu’on soit jaloux de quelqu’un, j’arrive à le concevoir. Mais je comprends pas ce qui amène à tuer deux personnes et trois enfants par jalousie, par envie, par haine, je suis dans toutes ces questions-là, à ce moment-là », ajoute-t-il. 

Trois ans après, David Hotyat, sa compagne et le couple d’amis sont jugés à la cour d’assises de Haute-Savoie. « J’ai eu aucune excuse, aucun regard », se souvient Mario Leblanc. « Je retiens ma rage, et le but pour moi, c’était de lui montrer qu’il avait fait ça pour rien parce qu’il restait quand même quelqu’un », souligne-t-il. Le meurtrier est condamné à la peine maximale encourue, la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans. Sa compagne Alexandra Lefebvre écope de 10 ans d’emprisonnement sans sureté et le couple d’amis, de 7 et 15 ans de réclusion. « Je me dis que même au bout de 22 ans de prison, finalement, sa peine n’est pas payée. Parce que nous, on va vivre avec ça jusqu’à ce qu’on disparaisse aussi », met en avant Mario Leblanc.

Le jeune homme va mettre du temps à se reconstruire. Mais vingt ans après l’affaire, il est parvenu à s’en sortir. « Là, aujourd’hui, j’ai une vie stable, un boulot, une compagne, une maison… je vis normalement », raconte-t-il. « Je fais tout ce que je peux pour devenir une personne dont ma mère aurait pu être fière », ajoute-t-il, assurant y penser encore « tous les jours ». En septembre 2025, David Hotyat va pouvoir demander sa liberté conditionnelle. Une pensée difficile pour Mario Leblanc. « Il va être dehors, il aura purgé sa peine. Moi, je serai encore à purger la mienne », constate-t-il. 


A. Lo. | Propos recueillis par Audrey Crespo-Mara

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