- Dimanche 30 novembre, le 20H de TF1 a consacré une page spéciale à la Russie, près de 4 ans après le début de la guerre en Ukraine.
- Depuis 25 ans, Poutine prépare les Russes au retour d’un ennemi extérieur.
- Un endoctrinement qui commence dès le plus jeune âge à travers la militarisation du système éducatif.
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Guerre en Ukraine : TF1 et LCI sur le terrain
La frénésie patriotique bat son plein en Russie, attisée chaque jour davantage par le Kremlin, prêt à tout pour présenter l’image d’une société rassemblée derrière son chef, Vladimir Poutine. Dans la région russe de Rostov, frontalière avec l’Ukraine, le défilé des camions militaires est incessant. Depuis l’offensive russe, environ 30.000 cosaques ont rejoint les rangs de l’armée russe. Nous avons rendez-vous avec l’un d’eux qui a servi sur le front en tant que tankiste. Dans l’attente d’une nouvelle mission, il enseigne les traditions cosaques aux enfants.
Le discours de ce soldat reprend mot pour mot la rhétorique du Kremlin. « Si nous n’avions pas attaqué les premiers, [les Ukrainiens] l’auraient fait. La guerre aurait lieu sur notre territoire. Ils seraient peut-être aux portes de Moscou et ailleurs dans le pays »
, affirme ce jeune soldat dans la vidéo du JT de TF1 à voir en tête de cet article. « Peut-être pas à Moscou »
, tempère un officier à ses côtés. « Bon, peut-être pas à Moscou. Mais ici, à Rostov, c’est sûr qu’il y aurait la guerre »
, soutient-il. Le combat est la raison d’être de ces guerriers depuis le XVIᵉ siècle.
Je ne peux pas savoir si [les Européens] vont nous attaquer ou pas. Je ne peux que le supposer
Je ne peux pas savoir si [les Européens] vont nous attaquer ou pas. Je ne peux que le supposer
Un soldat cosaque
Les tsars leur avaient confié la défense des frontières, mission qu’ils revendiquent à nouveau aujourd’hui. « Je ne peux pas savoir si [les Européens] vont nous attaquer ou pas. Je ne peux que le supposer. Nous, on nous donne un ordre et on y va. Qui est en face de nous ? On ne le sait pas. Mais on défend notre pays et notre patrie »
, reprend le jeune soldat. « On pourrait aussi reprendre Berlin ou Paris »
, lance à nouveau un officier. « On combattra tous nos ennemis »
, acquiesce le jeune soldat devant notre caméra. Des cosaques qui marchent sur Paris, ce ne serait pas la première fois, même si c’était il y a longtemps.
Le 31 mars 1814, Napoléon abdique face au tsar Alexandre Iᵉʳ. Dans la foulée, l’armée russe entre dans Paris et installe 18.000 cosaques sur les Champs-Élysées. Une histoire qu’on enseigne dans les écoles de la communauté cosaque où accueillir des Français reste ici un honneur, malgré le contexte, comme on peut le voir dans le reportage en tête. Les cosaques sont d’ardents défenseurs de la foi orthodoxe et de cette civilisation russe érigée en étendard par le Kremlin. Une civilisation pour laquelle ils sont prêts à mourir, comme le prouve un mur consacré aux anciens élèves morts en Ukraine depuis février 2022.
« En face, ce sont nos étudiants tombés en Tchétchénie, en Afghanistan, mais aussi lors de l’opération militaire spéciale. C’est là qu’on anime des cours de bravoure en racontant leurs exploits »
, nous explique-t-on. La guerre en Ukraine n’a eu aucun mal à s’imposer dans une société russe habituée depuis longtemps au sacrifice. Un patriotisme viscéral qu’on retrouve au pied de l’imposante statue de « La Mère-Patrie appelle ! », qui surplombe la ville de Volgograd (autrefois appelée Stalingrad). C’est ici qu’en 1943, les Soviétiques ont infligé à l’Allemagne hitlérienne sa première défaite.
En Ukraine, ce sont les descendants des fascistes de la Seconde Guerre mondiale (…). Et vous, vous devriez être avec nous.
En Ukraine, ce sont les descendants des fascistes de la Seconde Guerre mondiale (…). Et vous, vous devriez être avec nous.
Un patriote russe
Avec 27 millions de victimes soviétiques, la Seconde Guerre mondiale réveille encore aujourd’hui une émotion déroutante. « En 1943, ma grand-mère a perdu son mari et son fils a été porté disparu. Elle l’a attendu toute sa vie. En Ukraine, ce sont les descendants des fascistes de la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, nous ne les avons pas tous éliminés. Et vous, vous devriez être avec nous. Avez-vous perdu la raison ? N’avez-vous plus de mémoire ? Regardez la mémoire, elle est là »
, lance, devant notre caméra, un homme venu assister à une cérémonie en hommage aux victimes du nazisme.
10.000 clubs patriotiques dans tout le pays
Pour éduquer les nouvelles générations de citoyens, le pouvoir a aussi créé la « Iounarmia », l’armée de la jeunesse. L’administration incite chaque école du pays à avoir son détachement. Dans la banlieue de Saint-Pétersbourg, où s’est rendue une équipe de TF1, des dizaines d’enfants vêtus de treillis militaires se retrouvent dans un club militaro-patriotique après l’école. Ici, le plus jeune a 8 ans. La leçon porte ce jour-là sur le fonctionnement d’un fusil Kalachnikov. Depuis 2023, le même cours est devenu obligatoire dans tous les lycées de Russie à partir de 15 ans.
Jeunesse patriotique : un endoctrinement guerrierSource : JT 20h WE
03:47
Jeunesse patriotique : un endoctrinement guerrier
Dans ce club, c’est un adolescent qui donne les consignes, supervisé par un ancien combattant. « Lorsqu’un jour, ils se trouveront dans des situations extrêmes ou dangereuses, ils seront plus ou moins préparés »
, nous explique-t-il. Ces clubs façonnent à long terme une jeunesse au pas cadencé. L’inscription est gratuite pour les enfants du quartier, car cet encadrement social est subventionné par la mairie. Le plus souvent, ils sont dirigés par d’anciens combattants, comme Alexandre Iourevitch, un vétéran de l’Armée rouge qui a servi lors de la guerre d’Afghanistan (1979-1989).
On n’apprend pas aux gens à tuer, mais à être prêts à protéger la patrie
On n’apprend pas aux gens à tuer, mais à être prêts à protéger la patrie
Alexandre Iourevitch
Il a fondé ce club à son retour en Russie, en 1987. « Je dirais qu’il s’agit avant tout d’une tradition russe et soviétique qui renaît »
, explique-t-il dans la vidéo. « On n’apprend pas aux gens à tuer, mais à être prêts à protéger la patrie »
, nous assure-t-il. Protéger la patrie qui serait en danger : le message était déjà le même sous l’Union soviétique, en pleine guerre froide face à l’Amérique. À partir de 1967, une formation militaire devient obligatoire dans toutes les écoles en URSS. La même année, des jeux militaires avec simulation de bataille sont aussi mis en place pour conditionner la jeunesse.
Ces activités avaient disparu en 1991, en même temps que l’Union soviétique, mais refont aujourd’hui surface à travers le mouvement « Iounarmia ». Fondé en 2016, à la demande de Vladimir Poutine, celui-ci rassemble aujourd’hui plus d’un million et demi d’enfants et d’adolescents répartis dans quelque 10.000 clubs patriotiques dans tout le pays. Rejoindre ces clubs octroie des points bonus pour entrer dans plusieurs universités. Chaque année, tous les clubs de la banlieue de Saint-Pétersbourg se réunissent. Une équipe de TF1 a assisté à leur rassemblement.
Les participants ont entre 14 et 18 ans. La journée démarre par une cérémonie de levée du drapeau. Depuis 2022, elle est désormais obligatoire dans toutes les écoles de Russie, une fois par semaine. S’ensuivent des exercices militaires. « Lorsqu’un jeune homme est plongé, comme ici, dans des conditions proches du combat, il comprend mieux ce qu’est le patriotisme »,
nous explique Vitally Volkov, responsable éducation patriotique dans la région de Krasnoïe Selo. « Aujourd’hui, vous pouvez vous attendre à tout. Je pense que c’est une bonne chose d’être prêt dès maintenant »
, lance une adolescente de 16 ans.




