dimanche, décembre 7

Si l’arrivée de l’hiver constitue pour beaucoup de citadins une aventure confondante de banalité consistant à ne pas perdre ses gants la première semaine, elle ressemble pour d’autres à une aventure au sens le plus noble du terme. Il est devenu ordinaire de croiser, en pleine ville, des individus vêtus comme s’ils s’apprêtaient à partir à l’assaut du mont Blanc sans guide ni assistance et par l’arête intégrale de Peuterey, considérée comme la voie d’accès la plus exigeante.

Concrètement, ces explorateurs des métropoles aiment porter une parka de type shell coupée dans une matière technique et siglée du logo clinquant d’une marque spécialisée dans l’extrême. Ils l’accompagnent souvent d’une généreuse polaire et d’un pantalon lesté d’une multitude de poches.

Aux pieds, des chaussures robustes aux semelles crantées, parfois nouées de lacets rouges usuellement visibles sur les godillots de montagne, viennent terminer une tenue richement accessoirisée. Que serait l’aventurier du cœur de ville sans son sac 45 litres au dos thermoformé ?

Une ridicule inadaptation au réel

Si cette tendance, baptisée « gorpcore » (gorp désigne aux Etats-Unis l’en-cas des randonneurs durant l’effort) et alimentée par le fantasme attendrissant d’hommes brûlant de transformer une marche vers le haut des Buttes-Chaumont en un périple digne d’un roman de Roger Frison-Roche, peut avoir un certain charme esthétique, elle se distingue surtout par sa ridicule inadaptation au réel.

Ces pièces conçues pour leur confort et praticité en altitude perdent sur le bitume toute efficacité et deviennent même, paradoxalement, des fardeaux. Ainsi, ceux qui ont tenté l’expérience pourront témoigner de la souffrance inhérente au port de chaussures rigides sur sol dur ou de la pénibilité à porter un encombrant sac à dos dans le métro aux heures de pointe.

D’autres raconteront l’embarras de se déplacer en ville avec un pantalon coupé dans une matière technique émettant, à chaque pas, un épais bruit de froissement. Les plus rationnels noteront, eux, que retrouver son téléphone dans la multitude de poches qu’offre une veste de montagne n’est pas une sinécure. Au fond, c’est même peut-être ça la vraie aventure.

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