Porteuse de contraintes et d’injonctions, la mode a accompagné l’émancipation des femmes, des pantalons de Coco Chanel dans les années 1920 au « crop top » [tee-shirt court, littéralement, « crop top » veut dire tee-shirt coupé en anglais] dans les années 1990 puis 2020.
Mais celles qui fabriquent nos vêtements – car ce sont en écrasante majorité des femmes – sont confrontées à la pauvreté, à la précarité et à des violations continues de leurs droits. Leur salaire ne leur permet pas de nourrir leur famille ou d’envoyer leurs enfants à l’école. Elles sont peu protégées par les lois sociales de leur pays et leurs conditions de travail sont éreintantes, voire dangereuses. Comment donner à voir cette réalité ?
La mode est aussi une question politique. A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes [organisée le 8 mars], nous voulons mettre en lumière l’histoire et la réalité de ces femmes. Nous appelons à un changement législatif pour mettre fin à l’impunité des marques à travers une directive européenne ambitieuse sur le devoir de vigilance et l’initiative citoyenne européenne Good Clothes, Fair Pay.
Le modèle de la « fast fashion » repose sur la surproduction et l’exploitation des travailleurs et travailleuses les plus vulnérables. Près de 80 % des ouvriers textiles sont des ouvrières. Largement majoritaires, elles sont indispensables au fonctionnement de l’industrie de la mode, mais font face à des facteurs socio-économiques et politiques les rendant plus vulnérables que leurs homologues masculins. Exploitées et ignorées, elles sont souvent dans l’obligation d’accepter des conditions de travail indécentes, voire illégales.
Sans contrat ni protection sociale
Les ouvrières font face à des heures supplémentaires abusives, parfois forcées et non payées, à des déductions sur leur salaire et à de nombreuses violences basées sur le genre. Malgré des journées pouvant dépasser les douze heures, six à sept jours par semaine, elles ont du mal à joindre les deux bouts. Selon les pays, elles sont payées deux à cinq fois moins que nécessaire pour subvenir à leurs besoins.
Loin de l’image des rangs d’ouvrières dans les usines où sont fabriqués la majorité de nos vêtements, une autre réalité nous est souvent inconnue. Qui sait que la broderie de son t-shirt préféré a été cousue par une femme chez elle, travaillant sans contrat ni protection sociale ? Pourtant, en Asie du Sud, elles sont cinquante millions à travailler à domicile dans le textile.
Face à la pression des marques qui veulent produire plus à moindre coût pour maximiser leurs profits, les usines de confection font appel à des travailleuses à domicile pour respecter des délais et des volumes de commandes intenables. Invisibles, elles sont les moins rémunérées et les plus précaires du secteur.
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