La ligne du désespoir ? Rien ne va plus sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) et les élus, acteurs économiques et usagers des régions traversées ont du mal à croire que les travaux engagés et l’achat de nouveaux trains amélioreront bientôt la situation. « Ce n’est plus très loin ! On y est presque », a pourtant rassuré le 3 mars le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, lors d’une grande réunion à Limoges.
L’avenir radieux promis au POLT, c’est la rénovation des rails et des caténaires, un soupçon de modernisation des infrastructures, un coup de jeune aux gares et l’achat de nouveaux trains au constructeur espagnol CAF. Tout doit être fini fin 2026, pour un investissement total de près de 2,5 milliards d’euros.
« La conséquence, c’est les travaux », a ajouté M. Farandou. Or, ces indispensables chantiers perturbent encore plus la circulation de trains déjà gênés par des avaries diverses, la rencontre de sangliers, la canicule ou le givre. De quoi exaspérer les voyageurs.
Maires, députés, sénateurs, présidents de départements, conseillers régionaux, responsables économiques et usagers se sont plaints longuement vendredi des retards fréquents, des annulations intempestives, de l’allongement des temps de parcours, des arrêts supprimés et du manque de communication de la SNCF.
« Aujourd’hui, il n’est plus possible de convenir d’un rendez-vous raisonnable à Paris sans avoir la crainte d’un retard ou d’une annulation », a regretté le président de la chambre de commerce et d’industrie de Limoges, Pierre Massy. « C’est l’attractivité de nos entreprises [et] de nos territoires qui en prend un coup. » Legrand, groupe du CAC 40 installé à Limoges, a sonné l’alarme en décembre, menaçant de déménager si la liaison avec Paris – en 3 heures 15, au mieux _ ne s’améliore pas.
Dans la pratique, 19 % des trains ont eu l’an dernier plus de 10 minutes de retard, selon la direction Intercités de SNCF Voyageurs. De nombreux allers-retours ont été supprimés à cause des travaux.
« Grand déclassement »
« Nous sommes désespérés », a lancé le président du conseil départemental de Corrèze Pascal Coste (Les Républicains), inquiet du « grand déclassement que vivent nos départements ». « Qu’est-ce qu’on vous a fait ? », a interrogé son confrère du Lot, Serge Rigal (divers gauche), regrettant que son département ne voie plus passer que cinq trains par jour, « quand ils arrivent ».
Les élus d’Occitanie ont rappelé que le POLT se terminait par un « T » comme Toulouse, et que la ligne, au-delà de Brive-la-Gaillarde où s’arrêtent de nombreux trains, desservait aussi Souillac, Gourdon, Cahors et Montauban. « Il y a une confiance à recréer », a résumé le sénateur de la Creuse Jean-Jacques Lozach (Parti socialiste), évoquant « la ligne des projets avortés, la ligne des déconvenues, la ligne du désespoir ».
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Des trains pendulaires ont été évoqués, une ligne à grande vitesse entre Poitiers et Limoges a aussi été imaginée… Sans résultat, pendant que les 713 kilomètres de voies ferrées du POLT vieillissaient, comme les locomotives et les vénérables voitures Corail. Jean-Pierre Farandou promet désormais pour 2026 « des voies refaites, du matériel neuf et des gares pimpantes ».
« Ce n’est pas du blabla comme j’ai entendu dire, mais une réalité. Un rattrapage légitime, attendu, nécessaire » après des années de sous-investissement, a argumenté le ministre délégué aux transports Clément Beaune, venu en train à Limoges pour animer la réunion et écouter ce flot de doléances. « Nous avons parfois porté trop d’attention sur des nouveaux projets (…), et pas assez d’attention sur l’existant », a-t-il regretté.
Le POLT rénové sera selon lui, tout comme le Paris-Clermont – lui aussi en piètre état –, un avant-goût du plan de reconquête du rail de 100 milliards d’euros annoncé le 24 février par la première ministre Elisabeth Borne. En attendant, « il faut tenir avec du vieux matériel, sur une ligne encore vétuste, et des travaux », a prévenu M. Farandou.
La SNCF avance une « charte qualité » avec plus de services, un effort sur l’information des voyageurs, davantage de visibilité sur le calendrier des travaux, une surveillance accrue du givre, des locomotives qui roulent et plus prosaïquement des toilettes en bon état. Le ministre Clément Beaune s’est engagé à refaire le point tous les trois mois.