Mathias Reynaert fait partie des trois jeunes économistes, hors les deux lauréats, qui ont été retenus par le jury associant les représentants du Cercle des économistes et du Monde, pour leurs travaux relevant de l’économie appliquée et permettant de promouvoir le débat public.
Spécialiste de l’économie industrielle et de l’économie environnementale, vous avez travaillé sur le « dieselgate ». Comment vous êtes-vous intéressé à l’économie et à ce sujet en particulier ?
Au départ, j’ai commencé à étudier les sciences politiques à l’université d’Anvers, ma ville d’origine. Mais, très vite, j’ai eu envie de travailler sur une matière moins abstraite, moins philosophique, avec des données pour vérifier ou étayer des hypothèses. J’ai regardé vers l’économie, et en particulier l’économie empirique, qui est plus quantitative et où l’on utilise des modèles pour fonder une analyse. C’est un expert en économie industrielle, Frank Verboven, qui m’a amené à m’intéresser à la réglementation du marché automobile et à étudier son efficacité. J’ai préparé mon doctorat à Anvers et à Louvain. J’ai aussi eu la chance de pouvoir aller à l’université de Chicago : le niveau des échanges dans les séminaires m’a donné envie de poursuivre l’aventure de la recherche. J’ai ensuite rejoint l’Ecole d’économie de Toulouse, particulièrement réputée dans le domaine de l’économie empirique.
Comment aborde-t-on la réglementation du marché automobile sous un angle économique ?
L’approche des économistes est souvent théorique : pour réduire les externalités que causent les voitures (émissions de CO2, de particules fines…), ils estiment qu’il faut mettre en place une taxe correspondant au coût pour la société de ces désagréments. Il faut donc évaluer ce coût. Mais, dans la réalité, ces taxes ne sont pas facilement acceptées par les citoyens, et pas assumées par les politiques. On a donc recours à d’autres règles. Il est important, pour qu’elles fonctionnent, de comprendre comment les entreprises y réagissent stratégiquement et comment les consommateurs les prennent en compte dans leurs choix.
On a vu notamment que trois constructeurs allemands (Volkswagen, BMW et Daimler) s’étaient entendus sur une méthode de filtrage des émissions de NOx (oxyde d’azote) en cherchant à respecter au minimum les règles plutôt qu’à dépolluer le plus possible. J’ai voulu comprendre ce qu’ils y gagnaient et combien leur attitude coûtait à la société.
La réalité, c’est que les entreprises cherchent à minimiser l’impact des règles et qu’en Europe, pour protéger leurs géants industriels, les Etats ne les contrôlent pas avec assez de fermeté. D’où l’importance que la Commission européenne applique une sanction dissuasive pour les inciter à bien appliquer la réglementation. Finalement, dans le cas que j’ai étudié, BMW et Volkswagen ont été condamnés à payer une amende de 875 millions d’euros. Daimler (Mercedes), qui avait révélé l’existence de leur entente, en a été exonéré.
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