S’il devait un jour écrire un livre, Nicolas de Tavernost ne signerait pas une autobiographie, ni l’histoire de la chaîne avec laquelle sa vie se confond. « Je ne sais pas qui ça intéresserait, à part le microcosme, marmonne le président du directoire de M6 dans un demi-sourire. Le jour où je pourrai m’exprimer librement, badine-t-il, ce serait pour dire que je ne suis pas super fan des autorités indépendantes en général… »
On ne doute pas que l’ouvrage existe déjà dans la tête de cet infatigable pourfendeur de la réglementation – qu’il respecte cependant scrupuleusement. En attendant de retrouver sa « liberté de parole », sur les conseils d’un éditeur ami, il « consigne des choses structurantes ».
Mais, pour l’heure, Nicolas de Tavernost s’est attelé à une tout autre tâche, qu’on le soupçonne d’avoir quelques difficultés à appréhender : écrire le dernier chapitre de sa carrière professionnelle. Le vétéran (72 ans révolus) de l’audiovisuel français a beau avoir déjà réussi à repousser deux fois la date de son départ, en faisant porter à 72, puis à 75 ans l’âge maximal des membres du directoire, un nouveau report paraît peu probable.
Tout le temps qu’il a œuvré au projet (abandonné en septembre 2022) de fusion de M6 – qu’il a cofondée pour la Lyonnaise des Eaux puis lancée en 1987 –, avec sa concurrente TF1, une fin de parcours en forme d’apothéose a paru à sa portée. Bibiane Godfroid, qui a été sa directrice générale des programmes pendant sept ans, le pensait même « invincible ».
C’est à lui que devait revenir le titre de patron du nouveau géant du « PAF » (le paysage audiovisuel français). « Je n’ai aucun regret, affirme, les yeux dans les yeux, le flamboyant septuagénaire. D’abord parce que je ne m’embête pas à M6, et ensuite parce que lancer une fusion, c’est passionnant, mais ce ne sont que des ennuis. » « Je crois aussi qu’il se rendait compte de la tâche énorme que c’était de marier les cultures, si différentes, des deux maisons », complète Bibiane Godfroid.
« Nicolas a tout réussi, ou presque »
Cet échec entériné, et l’objectif de vente de M6 par RTL Group, propriété de l’allemand Bertelsmann, abandonné, Nicolas de Tavernost s’est lancé dans la défense de la candidature de M6 à une nouvelle autorisation d’émettre sur la TNT pour les dix prochaines années – elle est effective depuis le 6 mai – avec le sérieux et l’enthousiasme d’un débutant.
Le 15 février devant l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA), son audition achevée, il avait calmement déplié sa grande carcasse juvénile, entrepris de serrer des mains à droite et à gauche. Impérial sans paraître triomphant, déjà prêt à accélérer dans le virage, alors que plus rien, sinon deux petites années, ne semblait plus devoir le séparer de la retraite.
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