L’inflation alimentaire, entre cynisme et désillusions

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En cette rentrée, l’inflation sur les produits alimentaires s’est installée comme l’un des sujets majeurs de préoccupation des Français. A raison : la hausse des prix culmine à plus de 21 % sur deux ans. A une relative compréhension des mécanismes générateurs de cette envolée (crise énergétique, guerre en Ukraine, perturbations des chaînes d’approvisionnement) s’est substituée une impatience qui se transforme en détresse pour les plus fragiles.

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Selon le dernier baromètre du Secours populaire, plus d’un tiers des Français n’ont plus les moyens de manger trois repas par jour, sans parler de la crise des Restos du cœur. La situation est d’autant plus tendue que le gouvernement avait imprudemment annoncé un reflux des prix dès de la fin de l’été. Nous y sommes, et les consommateurs ne voient toujours rien venir.

Les marges de manœuvre du gouvernement sont étroites. Bercy n’a la main ni sur les cours de l’énergie ni sur ceux des matières premières agricoles. Quant à un contrôle des prix à la consommation, comme l’envisage une partie de la gauche, il n’aboutirait qu’à faire apparaître des pénuries et des dysfonctionnements qui se traduiraient inévitablement par davantage d’inflation. L’expérience tentée par la Hongrie montre que, dans une économie ouverte, ce type de remède se révèle pire que le mal.

La ligne de crête est étroite

Difficile pour autant de se contenter du discours lénifiant des grandes marques de l’agroalimentaire, affirmant que les hausses tarifaires qu’elles pratiquent ne seraient que la répercussion de l’augmentation de leurs coûts. Comme le constate l’Insee, le taux de marge des entreprises augmente depuis trois trimestres. La tendance est précisément visible dans l’agroalimentaire, où des sociétés ne se sont pas gênées pour continuer à augmenter leurs prix au deuxième trimestre, alors que les cours des matières premières et de l’énergie baissaient sensiblement.

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Même si ces chiffres cachent des situations contrastées, le fait qu’une poignée d’acteurs profite de la situation pour engranger des profits déconnectés de la réalité économique n’est pas tolérable. Certains poussent même le cynisme à réduire la taille des contenants de leurs produits pour mieux faire passer les hausses de prix auprès des consommateurs. Il s’agit de calculs à courte vue. Les clients commencent à se détourner de certaines marques qui abusent de leur capacité à imposer leur prix. La chute des ventes est finalement le seul langage que celles-ci peuvent comprendre.

L’idée poussée par le gouvernement d’avancer la date des négociations tarifaires entre la grande distribution et les principaux fabricants de produits de grande consommation, afin de concrétiser la baisse des cours de certains composants, a provoqué une bronca de la part des industriels. Quand bien même les obstacles techniques qu’ils invoquent seraient surmontés, rien ne dit que cette grand-messe aboutisse à une spectaculaire baisse des prix. Les cours du pétrole remontent et ceux des matières premières agricoles restent volatils. Seule certitude : les prix ne reviendront pas à leurs niveaux d’avant la crise.

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La hausse des salaires reste le seul levier qui permettrait de réduire la pression. Mais, entre le risque d’entrer dans un cercle vicieux nourrissant l’inflation et la responsabilité des entreprises à rémunérer équitablement leurs collaborateurs, la ligne de crête est étroite. L’effort doit prioritairement porter sur les bas salaires. Dans ce contexte, la conférence sociale que vient d’annoncer Emmanuel Macron revêt une importance cruciale.

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Le Monde

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